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cela n’est qu’un jeu. Mais ces classifications répondent si peu à la réalité que l’usage en réduit impitoyablement le nombre. Il est clair que la multiplication des partis flatte d’abord la vanité des imbéciles. Elle leur donne l’illusion de choisir. N’importe quel commis de magasin vous dira que le public appâté par les étalages d’une exposition saisonnière, une fois rassasié de marchandages et après avoir mis le personnel sur les dents, défile au même comptoir. Nous avons vu naître et mourir un grand nombre de partis, car chaque journal d’opinion ne dispose guère d’un autre moyen pour retenir sa clientèle. Néanmoins la méfiance naturelle aux imbéciles rend précaire cette méthode d’émiettement, le troupeau inquiet se reforme sans cesse. Dès que les circonstances, et notamment les nécessités électorales, semblent imposer un système d’alliances, les malheureux oublient instantanément les distinctions qu’ils n’avaient d’ailleurs jamais fait qu’à grand’peine. Ils se divisent d’eux-mêmes en deux groupes, la difficile opération mentale qu’on leur propose étant ainsi réduite à l’extrême, puisqu’il ne s’agit plus que de penser contre l’adversaire, ce qui permet d’utiliser son programme marqué simplement du signe de la négation. C’est pourquoi nous les avons vus n’accepter qu’à regret des désignations aussi complexes que celles, par exemple, de royalistes ou de républicains. Clérical ou anticlérical plaît mieux, les deux mots ne signifient rien d’autre que « pour »