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respectueux de la vie civile, du confort de la vie civile, comme s’ils n’y avaient pas droit, comme s’ils avaient une fausse permission dans leur poche. Oh ! plus d’un lecteur, s’il est jeune surtout, s’émerveillera de cette espèce de timidité. Il s’imagine volontiers qu’un citoyen mobilisé sorti vivant de la guerre devrait être plutôt enclin à présumer de lui-même, de son adresse, de son courage, de ses forces. Il en était certainement ainsi jadis, au temps de l’ancienne guerre, de la guerre des hommes. Mais la guerre totalitaire ne saurait vraiment exalter l’orgueil de personne. Qui sort sain et sauf de cette prodigieuse machinerie n’en saurait rendre grâces qu’à Dieu. « Sortir vivant de la guerre » n’a pas beaucoup plus de sens que « sortir vivant d’une épidémie de choléra ». À cette différence près que les grandes épidémies ont généralement coïncidé avec un non moins grand relâchement des mœurs, les hommes se consolant de leurs terreurs comme ils pouvaient, au