à reprendre qu’ils pussent voir de leurs yeux, toucher de leurs mains. Les pieds enracinés dans l’argile gluante, le dos gelé par la pluie, la paume de la main brûlée par le canon du fusil, l’épaule meurtrie par la crosse, avec en face d’eux un coin de bois quelconque, couronné d’une vapeur bleue, et qui crache du feu par tous ses trous d’ombre, ils n’eussent, pour rien au monde, boudé à la besogne. Mais, six semaines après l’armistice, ils ne comprenaient pas que la France pût encore avoir besoin d’eux. Ils ne prenaient déjà pas la paix au sérieux ; je crois qu’ils ne l’ont jamais respectée. Ils étaient aussi dégoûtés que moi du carnaval de l’après-guerre, ils regardaient avec le même dégoût les gorilles d’affaires américains liquidant les stocks, les ogresses internationales escortées de leurs gigolos, mais ils n’éprouvaient nullement le besoin de délivrer la France de cette ordure, ils n’en avaient nullement envie, voilà le malheur. Leur dégoût pour ces millions de jeunes
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