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n’est pas une image littéraire ! Ceux qui m’ont connu alors savent que je ne mens pas. J’allais et venais, je regardais dans les rues, à la terrasse des cafés, au seuil des usines et des chantiers, ces hommes qui avaient été cinq ans mes égaux, mes camarades, ces visages durcis par la guerre, ces mains de soldat. On les avait démobilisés classe par classe comme on rangerait sur une étagère des grenades encore amorcées ; mais c’était visiblement des soins superflus. Ils n’avaient jamais été, ils ne seraient jamais dangereux que pour l’Ennemi, c’est-à-dire pour ce que le Règlement du Service en Campagne autorise à désigner sous ce nom. Ils avaient combattu en citoyens, ils s’étaient acquittés en masse de ce devoir civique, ils étaient allés là-bas comme aux urnes — beaucoup plus tranquillement, d’ailleurs, qu’ils allaient aux urnes, car ils sentaient bien que c’était une besogne sérieuse, et qu’elle durerait longtemps. Bien loin que la guerre ait fait d’eux des révoltés,