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L’IMPOSTURE

de vous avoir dérangé… Pardonnez-moi cette fantaisie ridicule.

L’abbé Chevance debout près du lit, s’assit dessus. Le sommier grinça terriblement. Il se releva aussitôt.

— Monsieur le chanoine — mon cher et illustre ami — je vous demanderai… j’aurais à vous demander premièrement des nouvelles de votre santé… et aussi du cher malade… pour lequel…

— Il n’y a pas de malade, répondit sèchement l’abbé Cénabre. Il n’y a pas de moribond. Je regrette même un mensonge dont le sens exact, je le crains, vous échappera. Toutefois, je n’ai pas le droit de prétendre l’avoir fait à la légère, inconsidérément. J’avais à vous parler, à vous parler sans retard, voilà tout.

— Je suis à votre disposition, murmura l’abbé Chevance, de plus en plus inquiet… Je puis avoir commis quelque faute involontaire. L’indulgence qu’on a pour moi ne va pas non plus sans péril. Je voudrais pouvoir rompre, sans indélicatesse, avec beaucoup de ces gens dont l’amitié m’honore pourtant grandement… Il est ridicule à un pauvre prêtre de se laisser voir par exemple, chez l’excellent M. le comte de Clergerie, à S. E. le nonce ! Mais laissons cela, reprit-il (car la figure de son interlocuteur s’assombrissait à mesure). Je suis prêt à vous écouter…

— Mon ami, dit l’abbé Cénabre, j’ai pensé à vous aujourd’hui parce que votre simplicité m’a toujours été une assistance réelle à certaines heures de ma vie. Le monde… je dis celui que je vois de plus près, est plein de menteurs effrontés.

Les mains de l’abbé Chevance élevèrent au ciel une