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L’IMPOSTURE

Costerel, trois longs séjours à l’asile d’aliénés du département n’avaient eu d’autre résultat que d’exaspérer la folle, dont le médecin chef avait prédit la mort imminente. Sa guérison inattendue fut considérée par tous les gens de bon sens comme une provocation imbécile, capable de faire le plus grand tort à la paix religieuse dans le diocèse. Car ce fut à la paix religieuse que l’abbé Chevance se sacrifia.

En dépit des consolations et des encouragements, de l’évêque qui, « ne condamnant que l’imprudence et rendant justice aux intentions », offrait une autre paroisse au prêtre repentant, l’infortuné crut sa réputation perdue, son honneur sacerdotal en péril. L’idée ne lui vint même pas du tort injuste qu’il avait subi, mais l’indulgence de ses supérieurs, — leurs bontés, disait-il, — achevèrent de le réduire au désespoir. Il se crut désormais indigne du ministère, ou du moins de toute autorité. Dans son âme d’enfant, certaines contradictions qui paraîtraient, à d’autres, intolérables, sont acceptées telles quelles, subsistent sans débat. Ainsi ne doutait-il pas d’avoir agi envers sa folle selon le précepte de la charité, accompli son devoir. Mais il ne doutait pas non plus que l’irritation de ses chefs fût légitime. Le bruit fait à propos d’un acte si simple était une preuve assez forte de son impardonnable maladresse, bien qu’il n’eût su dire comment. Car tant d’années passées n’ont pas encore affaibli le scrupule de sa divine simplicité. On l’entend raconter l’humble tragédie de sa vie sur le même ton que jadis, celui d’un remords qui resplendira dans le ciel.

L’intervention de l’abbé Cénabre lui valut l’hospitalité du diocèse de Paris et un modeste emploi à