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L’IMPOSTURE

Il regagna misérablement son lit, tête basse, avec une sorte d’humilité vile qui marquait bien la profondeur de sa chute, son caractère irréparable, pareil moins à un menteur confondu qu’à un animal dressé qui aurait raté son tour. Bien qu’il s’abandonnât désormais, cet abandon ne lui apportait aucun soulagement certain : une issue semblait ouverte, au contraire, aux eaux dormantes et pourries de l’âme. Des sentiments nouveaux, et pourtant familiers à sa nature profonde, impossibles à renier, bien qu’il fût encore incapable de leur donner un nom, sourdaient ensemble d’un sol saturé. À sa grande surprise, le plus fort d’entre eux ressemblait singulièrement à la haine.

Il se leva presque aussitôt pour rallumer sa lampe. Il ne tremblait plus. Sa chemise trempée de sueur collait à son dos et à ses cuisses, mais il n’en sentait pas le contact glacé : son cœur battait de nouveau à coups réguliers, pesants… Et déjà la résolution se formait en lui d’en finir une fois pour toutes, d’éclaircir à tout prix ce débat obscur. De cela seul il avait conscience, car il se croyait rendu au calme qu’il en était à ce paroxysme où l’anxiété réclame, exige, postule une présence amie — n’importe quelle présence — un témoin. Il ne pouvait pas, il ne pouvait plus être seul.

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Pourquoi l’image s’imposa-t-elle aussitôt à son esprit d’un homme si différent de lui, si peu fait pour l’entendre, l’abbé Chevance, ancien curé de Costerel-sur-Meuse, actuellement prêtre habitué à l’église de Notre Dame des Victoires ? Fut-ce le seul nom qui se présenta, car le nombre est petit des amis fidèles