ment de ses journées, et aussi par dédain des abandons faciles, par dignité. S’il célèbre rarement la messe, c’est d’accord avec ses supérieurs, et parce que le temps lui manque, réellement. Mais il n’omet pas le bréviaire. Le Père Domange l’entend chaque mois en confession. Que ce regard jeté en arrière le rassérène pour un moment ! L’exaltation de la jeunesse n’est plus, ni son espérance avide, mais la pente a été une fois donnée, la vie coule dans le même sens, comme entraînée par son poids… Il ferme les yeux, il serre étroitement les paupières, avec un entêtement puéril… Il veut voir ce cheminement monotone à travers le temps : il le voit… Vers quel but ?
Malgré lui, ainsi qu’une bête échappée, sa pensée court déjà sur la route enfin ouverte. C’est peu dire qu’il n’en est plus maître, elle est maintenant hors de lui, une chose étrangère, une pierre qui tombe… Oui, son œuvre a un sens, et il l’ignorait ! On en est encore à épier les textes, pour y découvrir une proposition hétérodoxe ! Lui-même s’est prêté à ce jeu enfantin. À ce moment même, comme par un suprême effort, les arguments familiers surgissent de toutes parts, dans un désordre affreux. Mais il sent trop, il sent avec terreur que cette confusion n’est qu’un remous, à la surface d’une eau profonde. Déjà la pensée, l’unique, la précieuse, la dangereuse pensée jaillie de lui est descendue bien plus avant, hors de toute atteinte, glisse à travers les ténèbres ainsi que le poids d’une sonde. Elle ne s’arrêtera qu’au but, s’il existe. L’homme suspendu par ses mains défaillantes, à demi ouvertes, au-dessus du gouffre, n’écoute pas avec plus d’angoisse la chute vaine et bondissante des pierres. Le