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L’IMPOSTURE

te manquer d’un rien, d’un cheveu, comme en rêve ? Je te manque chaque fois d’un cheveu, voilà le mot.

Avant de répondre, elle fronça les sourcils.

— C’est peut-être, fit-elle, que vous calculez un peu trop… les historiens sont ainsi, je pense ? Alors je déjoue vos calculs, sans le vouloir. Vous me prenez pour un navire bien gréé, bien chargé, avec une riche cargaison, un capitaine étonnant, tout ce qu’il faut. Et je ne suis qu’un pauvre petit bateau vide qui va comme il peut.

— Si ! tu me trompes, reprit M. de Clergerie. Tu me trompes sans le vouloir, faute de t’astreindre une minute à voir par mes yeux, à parler mon langage, à te justifier par des raisons que je puisse entendre. Que veux-tu que je connaisse de toi, ma chère enfant, sinon ce que chacun de nous laisse paraître, dans la vie familiale, quotidienne, de ses habitudes, de ses goûts — ses préférences enfin ! Or, tu n’as pas de préférences, tu sembles contente de tout. Cela serait déjà monstrueux à ton âge. Mais il y a pis : tu ne saurais donner aucun prétexte à cette perpétuelle allégresse. Il faut la prendre telle qu’elle. Elle est parce qu’elle est.

— Mon Dieu ! prenez-la donc comme elle me vient, dit-elle. Je ne suis pas si compliquée…

— Nous y voilà. Oh ! mon rôle est facile à tenir, fit-il avec amertume.

Elle tourna vers lui un regard si limpide et si triste qu’il ne put le soutenir, et rougit légèrement.

— Accorde-moi, du moins, que j’ai le droit de m’étonner un peu ? Tu n’as jamais menti, tu es la loyauté même. Hé bien, supposons… tiens ! en vue de ton