Page:Bernanos - L’Imposture.djvu/273

Cette page a été validée par deux contributeurs.
263
L’IMPOSTURE

Mais il y a d’autres symptômes… Je dois vous dire, madame de la Follette, que les fonctions rénales me paraissent… me paraissent s’effectuer difficilement, parcimonieusement…

— C’est-y que vous ne pissez plus ? dit-elle avec une grimace.

Le bonhomme rougit, balbutia.

— Vous avez de l’audace, quand même ! reprit la grosse femme indignée. Parler de ça à moi, quelle horreur ! A-t-on idée d’un toupet pareil. Et voilà trois quarts d’heure que je passe à vous écouter causer. Ainsi !

Elle empoigna rageusement la porte, et d’une saccade de sa main énorme, l’ouvrit toute grande… Alors la voix de l’abbé Chevance la cloua littéralement sur le seuil.

— Madame de la Follette, disait-il, jusqu’à présent vous n’aviez offensé qu’un ver de terre comme moi, peu de chose, enfin rien du tout. Cette fois, vous venez d’offenser gravement le bon Dieu. Il faut réparer, madame de la Follette, il faut vous hâter de réparer. Oh ! nous sommes des étourdis, nous ne nous rendons pas compte. Il n’est pas toujours facile de prendre notre part de la souffrance du prochain, de la comprendre. Seulement, il ne faut jamais la tourner en dérision, la déshonorer, madame de la Follette, jamais, jamais. Dans notre pauvre petit monde, voyez-vous, la douleur, c’est le bon Dieu. On passe à côté de lui sans le reconnaître, bon ! Mais, l’ayant reconnu, l’outrager, oh ! cela est grave, très grave. Vous vous hâtiez de sortir, madame de la Follette, vous avez failli démolir la porte, vous croyiez avoir peur de