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L’IMPOSTURE

il se penchait en étendant le bras, Pernichon vit le tremblement de ses longs doigts. Presque aussitôt, la flamme ranimée fit sortir de l’ombre la tête osseuse, léonine, le front et les joues d’une pâleur extrême, presque livide. Et la soudaine apparition de ce visage contracté, découvert tout à coup à l’improviste, par surprise, serrait le cœur d’un remords obscur, comme d’une indiscrétion intolérable.

— Ainsi, dit-il enfin, la sensualité vous éprouve ? Cela est peut-être une vue de l’esprit. Vous vous croyez des passions fortes. Et cependant vous n’accusez que des fautes, en apparence du moins, légères ?

— Je n’attendais pas de vous ce reproche, murmura Pernichon. Et il regretta aussitôt ce mot imprudent.

Car déjà, sans daigner y répondre directement, la même voix glacée — si glacée que l’imperceptible accent meusien s’en trouvait stérilisé, ne s’entendait plus — prononça :

— Ne craignez rien de la sensualité. Vous ne me faites pas illusion, à moi, ni peut-être à vous-même. Ah ! c’est là sans doute un sujet de petit intérêt, une vérité à ramasser peu précieuse ! Les prêtres de quelque expérience, en dépit d’un préjugé constant, n’accordent à la vie sexuelle qu’une valeur de symptôme. Qui en fait l’objet unique de son investigation est sûr de se tromper lourdement. D’ailleurs, elle n’a d’intérêt, n’apporte d’utiles données, enfin ne révèle que les hautes cimes, quand elle est le miroir trouble, l’image difficile à interpréter, le signe matériel des contradictions d’un grand cœur. Encore faut-il qu’elle