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L’IMPOSTURE

prise de l’auteur des Lettres de Rome une sorte de sérénité s’y répandit, qui ressemblait à une affreuse tendresse… M. Guérou venait de respirer faiblement.

— Il s’en tirera ! dit le masseur, en passant sous son nez le dos de la main. Nom de Dieu ! j’ai eu chaud.

Il regardait avec douceur la masse de chair redevenue vivante, plaquée de rouge, où fumaient l’eau et la sueur. Mais la surprise de Pernichon devint de l’effroi, lorsqu’il vit la moustache noire tordue par une grimace significative… Jules pleurait.

— Malheur ! reprit-il après un clin d’œil cordial, quel tempérament ! On n’a jamais vu, depuis que le monde est monde, un tempérament pareil. C’est fort autant qu’un percheron. Ça voudrait tout arracher d’un seul coup d’épaule. Ça se ferait mourir pour rien, pour le plaisir. Quelle nature ! Sauf votre respect, monsieur, c’était un homme à crever dix femmes, vingt femmes, — un colosse. Je l’ai connu, moi qui vous parle, sain comme la main, beau comme un dieu — je peux dire — un gaillard ! J’avais quinze ans, à l’époque. On se serait fait couper en morceaux pour un homme pareil… Et il faut que ça se laisse détruire par des femelles, des garces — respect de vous, monsieur — et qui n’ont pas l’âge, des vrais singes ! Dieu sait ce qu’il en consomme, et de pas ordinaires ! Ah ! monsieur…

Il s’essuya les yeux avec un coin de la serviette, retourna M. Guérou sur le ventre, et frappa de nouveau à grands coups, bien que sans hâte.

— Voyez donc, disait-il à Pernichon, la méthode est bonne. C’est brutal, c’est maussade, mais c’est simple comme bonjour, inratable. Dans cinq minutes, il sera debout, solide comme vous et moi. Aussi fort que le