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L’IMPOSTURE

— Je l’atteste ! dit le vicomte. Nous le savons depuis une semaine déjà.

— Le Saint-Siège juge sévèrement certaines initiatives, hardies, condamnables même. Il voit sans plaisir la place faite à nos chroniques religieuses dans quelques organes d’opinion très avancée. Je tiens d’ailleurs le renseignement d’une source sûre.

— Il est exact, dit M. Jérôme. À telle enseigne que j’ai supprimé dans ma dernière chronique le paragraphe sur les affaires de Syrie.

— Serait-ce donc, soupira M. Catani qui ne respirait plus qu’avec beaucoup de peine, mortifier encore inutilement notre jeune ami que d’attirer son attention sur la probable, la vraisemblable inopportunité de la grande enquête qu’il médite de publier prochainement dans son journal sur l’Évolution de la conscience religieuse en France et en Allemagne ?

— Mon enquête ! cria Pernichon.

Ce fut comme le cri de ses entrailles, le cri de stupeur d’un homme touché par un coup porté à fond.

— Mais enfin, pourquoi, messieurs… voulut protester une dernière fois l’évêque de Paumiers.

— Mon enquête ! reprit le grotesque, devenu terrible.

Il respira douloureusement, pressant des deux mains sa poitrine. Puis ses mâchoires remuèrent avec violence, sans qu’il proférât aucun autre son.

— Jeunesse ! dit M. Guérou.

— J’ai seulement prononcé le mot d’inopportunité, remarqua M. Catani, qui flairait de loin, avec inquiétude, le dernier sursaut de sa misérable proie. Sans doute qu’un peu de patience…