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L’IMPOSTURE

surprise, essayant de jeter en avant son corps inerte, et le regard plus aigu que jamais :

— Cher Pernichon, fit-il, comme s’il n’avait rien perdu de ce qui venait d’être dit, vous êtes plein de science, de talent, de bon vouloir, et vos relations sont nombreuses et belles. Mais il faut vous guérir, s’il en est temps encore, d’un vice qui menace de réduire à rien toutes ces précieuses qualités. Je vois que vous voulez de la sympathie. Vous êtes altéré de sympathie. Cette sorte d’obsession maladive est plus dangereuse qu’aucun vice. Elle a mené au désespoir, et même au tombeau, des gens mieux armés que vous n’êtes…

À l’exception de l’évêque de Paumiers, dont le sourire ne s’altère pas aisément, et qui approuva, doucement de la tête, chacun reçut ces paroles ambiguës avec un certain frémissement. M. Catani pâlit.

— J’admire, au contraire, ce grand désir d’être loué, dit-il. Pour moi, je ne l’ai jamais connu. Les circonstances de la vie, mon goût de l’histoire, une certaine connaissance des hommes — et ma médiocre santé aussi en est cause — ne m’ont inspiré qu’un grand éloignement pour le bruit, les vaines disputes, les grandes entreprises téméraires, voilà tout. Je n’ai voulu être qu’un simple publiciste qui met au service d’une Église, tournée désormais vers l’avenir, plutôt son expérience que son talent.

— C’est ce que je disais, répondit M. Guérou insolemment. Voyez-vous, cher Pernichon…

— Permettez, fit M. Catani sans cesser de sourire. Laissez-moi poser une question à M. Lavoine de Duras : est-il vrai que M. Noualhac ait été reçu par Sa Sainteté en audience secrète, dès le début de ce mois ?