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L’IMPOSTURE

Soyons francs ! Votre article de l’Aurore nouvelle, par exemple, a fait trop de bruit pour être loué.

Ayant ainsi parlé, M. Catani reposa lentement, prudemment, dans les coussins sa tête exsangue. Le féroce vieillard dont personne au monde ne pourrait probablement citer une ligne, car il n’a jamais écrit depuis plus d’un demi-siècle que sous des pseudonymes impénétrables et dans des feuilles obscures et éphémères où il ne fait que paraître, ainsi qu’un voleur dépiste les gendarmes de garni en garni, n’en a pas moins la réputation, auprès d’habiles naïfs plus lâches que lui (et pour parler leur étonnant langage) d’un informateur religieux de très grande classe, dont les arrêts sont sans appel.

Le coup, sans doute inattendu, fit de nouveau trébucher Pernichon, qui depuis un moment s’efforçait de retrouver son calme, pareil au duelliste qui après une première bousculade a perdu toute notion de la distance, et prend timidement ses mesures du bout de l’épée devenue aveugle.

— Je ne comprends pas, dit-il. Je croyais au contraire avoir été agréable à M. Dufour en effaçant la mauvaise impression produite par un éloge, peut-être imprudent, de « l’Œuvre de l’Assistance dominicale », dont il juge le programme dangereux.

— Permettez, fit l’ancien membre du consistoire d’un air de dignité politique, je crains que vous ne commettiez ici une erreur involontaire.

M. Pernichon rougit de colère.

— Je l’ai — de mes propres oreilles — entendu dire…

— C’est une question de date, remarqua M. Jérôme,