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L’IMPOSTURE

de la politique, mais est-il encore un homme au monde capable de mener au terme ces controverses d’une si émouvante subtilité que nos bavardages les plus vifs semblent grossiers par comparaison…

(Il fit signe de la main à un petit homme chauve.)

— J’ai entendu conter que les familiers de M. Combes, et le ministre lui-même…

— C’est un renseignement inexact, répondit l’inconnu, d’une voix sans timbre. L’éminent homme d’État dont je m’honore d’avoir été dix ans l’humble collaborateur, n’a jamais pris part devant moi à de telles discussions, et il avait trop de respect des consciences pour courir volontairement le risque d’y jeter le trouble, par simple curiosité. Son indifférence, en matière de métaphysique, m’a toujours paru, d’ailleurs, absolue.

— Que de bêtises n’a-t-on pas dites ou écrites sur un tel sujet ! s’écria de son coin sombre le vicomte Lavoine de Duras. (Il fit suivre cette exclamation d’une gamme de sourires discrets.) Nos persécuteurs étaient, au fond, assez bons diables. Convenons-en ! La diplomatie romaine a multiplié les gaffes…

(Pour faire excuser ce mot hasardeux, il le prononça sur un ton suraigu.)

— Que Votre Grandeur me pardonne : l’Église n’a-t-elle pas eu, à un moment décisif, dans la personne de Pie X, son Chambord ?

Un discret murmure souligna cette allusion à la période héroïque de la vie du niais stérile, jadis pourvu d’un emploi de sous-préfet par la grâce de son cousin Doudeauville, et qui jouait depuis le rôle de grand seigneur démocrate et voltairien, bien que le vieux