qu’il appelait déjà sa crise mystique. Il pensait : Une défaillance aussi brusque, sans aucun travail intérieur de préparation, sans aucun débat préliminaire, peut à peine se rattacher aux obsessions du scrupule dont l’histoire des âmes m’a fourni tant d’exemples. Si j’ai perdu la foi, c’est par une pente insensible, et sauf la peur ridicule que je sens, je ne puis me connaître différent de ce que j’étais hier. D’ailleurs, cette crainte n’est plus. Ce qui le prouve assez, c’est que pour rien au monde je n’appellerais à cette heure Chevance, le pauvre vieux sot ! Je ne puis même imaginer comment et pourquoi je l’ai appelé… Mais… Mais…
Il quitta la pièce, regagna sa chambre, s’assit sur son lit. Devant la souffrance, l’homme reste enfant : aussi longtemps qu’il n’est pas tout à fait terrassé, tant qu’il a préservé le centre même de sa résistance, le point vital qui est comme le joint de l’âme au corps, et le défaut de l’armure, l’homme, ainsi que l’enfant, ne voit d’autre remède à son mal que la fuite naïve et vaine. L’abbé Cénabre eut, lui aussi, cette humble pensée… La Société internationale des Études psychiques que présidait encore Fraü Éberlein avant qu’elle eût sombré dans la folie, une nuit d’hiver, au fond de son affreuse résidence de Schlestadt pleine de bêtes hallucinées, avait obtenu de l’illustre historien la promesse de prendre part à son congrès, tenu à Francfort, ou du moins d’assister à la séance solennelle de clôture pour y donner une conférence sur « la Mystique dans l’Église luthérienne ». La date de cette clôture avait été fixée au 20 janvier, c’est-à-dire neuf jours plus tard, mais le Congrès était