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leçons lorsqu’il s’agit, par exemple, des égarements de la chair — où leur sagesse mondaine voit un désordre, un gaspillage, sans s’élever d’ailleurs beaucoup plus haut que la crainte du risque ou de la dépense — ce qu’ils appellent les affaires semble à ces travailleurs un domaine réservé où le travail sanctifie tout, car ils ont la religion du travail. Chacun pour soi, voilà leur règle. Et il ne dépend pas de nous, il faudra bien du temps, des siècles peut-être, pour éclairer ces consciences, détruire ce préjugé que le commerce est une sorte de guerre et qui se réclame des mêmes privilèges, des mêmes tolérances que l’autre. Un soldat, sur le champ de bataille, ne se considère pas comme un homicide. Pareillement le même négociant qui tire de son travail un bénéfice usuraire ne se croit pas un voleur, car il se sait incapable de prendre dix sous dans la poche d’autrui. Que voulez-vous, mon cher enfant, les hommes sont les hommes ! Si quelques-uns de ces marchands s’avisaient de suivre à la lettre les prescriptions de la théologie touchant le gain légitime, leur faillite serait certaine.

« Est-il désirable de rejeter ainsi dans la classe inférieure des citoyens laborieux qui ont eu tant de peine à s’élever, sont notre meilleure référence vis-à-vis d’une société matérialiste, prennent leur part des frais du culte et nous donnent aussi des prêtres, depuis que le recrutement sacerdotal est presque tari dans nos villages ? La grande industrie n’existe plus que de nom, elle a été