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D’UN CURÉ DE CAMPAGNE

tour des vrais, en sont comme la menue monnaie, et, comme les gros sous, servent beaucoup moins qu’ils n’encombrent ! Quel pasteur, quel évêque souhaiterait de commander à de telles troupes ? Qu’ils aient l’esprit d’obéissance, soit ! Et après ? Quoi qu’ils fassent, leurs propos, leur attitude, leur silence même risquent toujours d’être un scandale pour les médiocres, les faibles, les tièdes. Oh ! je sais, vous allez me répondre que le Seigneur vomit les tièdes. Quels tièdes au juste ? Nous l’ignorons. Sommes-nous sûrs de définir comme lui cette sorte de gens ? Pas du tout. D’autre part l’Église a des nécessités — lâchons le mot — elle a des nécessités d’argent. Ces besoins existent, vous devez l’admettre avec moi — alors inutile d’en rougir. L’Église possède un corps et une âme : il lui faut pourvoir aux besoins de son corps. Un homme raisonnable n’a pas honte de manger. Voyons donc les choses telles qu’elles sont. Nous parlions tout à l’heure des commerçants. De qui l’État tire-t-il le plus clair de ses revenus ? N’est-ce pas justement de cette petite bourgeoisie, âpre au gain, dure au pauvre comme à elle-même, enragée à l’épargne ? La société moderne est son œuvre.

« Certes, personne ne vous demande de transiger sur les principes, et le catéchisme d’aucun diocèse n’a rien changé, que je sache, au quatrième commandement. Mais pouvons-nous mettre le nez dans les livres de comptes ? Plus ou moins dociles à nos