ça, dit-elle, vous pourrez continuer à écrire tranquillement votre sermon. » J’ai eu beaucoup de peine à l’empêcher d’allumer le poêle (je grelotte encore un peu). « Dans ma jeunesse, a-t-elle dit, les prêtres se nourrissaient trop, avaient trop de sang. Aujourd’hui vous êtes plus maigres que des chats perdus. » Je crois qu’elle s’est méprise sur la grimace que j’ai faite, car elle a précipitamment ajouté : « Les commencements sont toujours durs. N’importe ! À votre âge, on a toute la vie devant soi. »
J’ai ouvert la bouche pour répondre et… je n’ai pas compris d’abord. Oui, avant même d’avoir rien résolu, pensé à rien, je savais que je garderais le silence. Garder le silence, quel mot étrange ! C’est le silence qui nous garde.
(Mon Dieu, vous l’avez voulu ainsi, j’ai reconnu votre main. J’ai cru la sentir sur mes lèvres.)
Mme Duplouy m’a quitté pour reprendre sa place au comptoir. Il venait d’entrer du monde, des ouvriers qui cassaient la croûte, l’un d’eux m’a vu par-dessus la cloison, et ses camarades ont éclaté de rire. Le bruit qu’ils font ne me trouble pas, au contraire. Le silence intérieur — celui que Dieu bénit — ne m’a jamais isolé des êtres. Il me semble qu’ils y entrent, je les reçois ainsi qu’au seuil de ma demeure. Et ils y viennent sans doute, ils y viennent à leur insu. Hélas ! je ne puis leur offrir qu’un refuge précaire ! Mais j’ima-