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D’UN CURÉ DE CAMPAGNE

temples ? Un nouveau droit, quand le Code Justinien restait, comme à portée de la main ?… « L’État contrôlant tout et l’Église contrôlant l’État, » cette formule élégante devait plaire à vos politiques. Seulement nous étions là, nous autres. Nous avions nos privilèges, et par-dessus les frontières, notre immense fraternité. Nous avions même nos cloîtres. Des Moines-Soldats ! C’était de quoi réveiller les proconsuls dans leurs tombes, et vous non plus, vous ne vous faisiez pas fiers ! L’honneur du soldat, vous comprenez, ça ne se prend pas au trébuchet des casuistes. Il n’y a qu’à lire le procès de Jeanne d’Arc. « Sur la foi jurée à vos Saintes, sur la fidélité au suzerain, sur la légitimité du roi de France, rapportez-vous-en à nous, disaient-ils. Nous vous relevons de tout. » — « Je ne veux être relevée de rien », s’écriait-elle. — « Alors nous allons vous damner ? » Elle aurait pu répondre : — « Je serai donc damnée avec mon serment. » Car notre loi était le serment. Vous aviez béni ce serment, mais c’est à lui que nous appartenions, pas à vous. N’importe ! Vous nous avez donnés à l’État. L’État qui nous arme, nous habille et nous nourrit prend aussi notre conscience en charge. Défense de juger, défense même de comprendre. Et vos théologiens approuvent, comme de juste. Ils nous concèdent, avec une grimace, la permission de tuer, de tuer n’importe où, n’importe comment, de tuer par ordre, comme au bourreau. Défenseurs du sol, nous réprimons aussi l’émeute, et