Page:Bernanos - Journal d’un curé de campagne.djvu/294

Cette page a été validée par deux contributeurs.
284
JOURNAL

d’ailleurs souvent de cette maladie par l’énergie, la volonté de guérir. J’ai l’une et l’autre.

Fini aujourd’hui ces visites que M. le curé de Torcy appelait ironiquement domiciliaires. Si je ne détestais tant le vocabulaire habituel à beaucoup de mes confrères, je dirais qu’elles ont été très « consolantes ». Et cependant j’avais gardé pour la fin celles dont l’issue favorable me paraissait des plus douteuses… À quoi tient cette facilité soudaine des êtres et des choses ? Est-elle imaginaire ? Suis-je devenu insensible à certaines menues disgrâces ? Ou mon insignifiance, reconnue de tous, a-t-elle désarmé les soupçons, l’antipathie ? Tout cela me semble un rêve.

(Peur de la mort. La seconde crise a été moins violente que la première, je crois. Mais c’est bien étrange ce tressaillement, cette contraction de tout l’être autour de je ne sais quel point de la poitrine…)

♦♦♦ Je viens de faire une rencontre. Oh ! une rencontre bien peu surprenante, en somme ! Dans l’état où je me trouve, le moindre événement perd ses proportions exactes, ainsi qu’un paysage dans la brume. Bref, j’ai rencontré, je crois, un ami, j’ai eu la révélation de l’amitié.

Cet aveu surprendrait beaucoup de mes anciens camarades, car je passe pour très fidèle à certaines sympathies de jeunesse. Ma mémoire du calendrier, mon exactitude