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JOURNAL

un murmure. Il me semble qu’on parlait de moi.

Je viens de m’accouder à la fenêtre. Le défilé des automobiles continue là-bas, ce sourd grondement de fête… On l’enterre samedi.

♦♦♦ Je suis allé ce matin, dès la première heure, au château. M. le comte m’a fait répondre qu’il était tout à son chagrin, qu’il ne pouvait me recevoir, et que M. le chanoine de la Motte-Beuvron serait au presbytère cet après-midi, vers deux heures, afin de s’entendre avec moi au sujet des obsèques. Que se passe-t-il ?

Les deux bonnes sœurs m’ont trouvé si mauvaise mine, qu’elles ont réclamé au valet de chambre, à mon insu, un verre de porto que j’ai bu avec plaisir. Ce garçon, le neveu du vieux Clovis, ordinairement poli et même empressé, a répondu très froidement à mes avances. (Il est vrai que les domestiques de grande maison n’aiment guère la familiarité, d’ailleurs probablement maladroite, de gens tels que moi.) Mais il servait à table, hier soir, et je pense qu’il a dû surprendre certains propos. Lesquels ?

Je ne dispose que d’une demi-heure pour déjeuner, changer de douillette (il recommence à pleuvoir) et ranger un peu la maison qui est depuis quelques jours dans un désordre abominable. Je ne voudrais pas scandaliser M. le chanoine de la Motte-Beuvron, déjà si mal disposé à mon égard. Il semble