Page:Bernanos - Journal d’un curé de campagne.djvu/119

Cette page a été validée par deux contributeurs.
109
D’UN CURÉ DE CAMPAGNE

Après le départ de ses camarades, nous avons parlé longuement. Son regard, un peu vague, même fuyant, a cette expression si émouvante pour moi, des êtres voués à l’incompréhension, à la solitude. Il ressemble à celui de Mademoiselle.

♦♦♦ Mme Pégriot m’a prévenu hier qu’elle ne viendrait plus au presbytère. Elle aurait honte, dit-elle, d’être plus longtemps payée pour un travail insignifiant. (Il est vrai que mon régime plutôt frugal et l’état de ma lingerie lui font beaucoup de loisir.) D’autre part, ajoute-t-elle, « il n’est pas dans ses idées de donner son temps pour rien. »

J’ai essayé de tourner la chose en plaisanterie, mais sans réussir à la faire sourire. Ses petits yeux clignaient de colère. J’éprouve malgré moi un dégoût presque insurmontable pour cette figure molle et ronde, ce front bas que tire vers le haut du crâne un maigre chignon et surtout de son cou gras, strié de lignes horizontales et toujours luisant de sueur. On n’est pas maître de ces impressions-là, et je crains tellement de me trahir qu’elle doit voir clair en moi.

Elle a fini par une allusion obscure à « certaines personnes qu’elle ne tient pas à rencontrer ici ». Que veut-elle dire ?

♦♦♦ L’institutrice s’est présentée ce matin au confessionnal. Je sais qu’elle a pour directeur mon confrère d’Heuchin, mais je ne pouvais refuser de l’entendre. Ceux qui