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IV.



– Allons, Quasimodo, fit le brigadier, tu en as trop dit ou pas assez, faut maintenant aller jusqu’au bout, mon vieux.

La tête de Mathurin allait de l’une à l’autre épaule avec une régularité mécanique ainsi qu’un battant d’horloge. À travers le torchis de la masure, crevé depuis longtemps par la gelée, la bise soufflait si fort que la grêle flamme du foyer se couchait chaque fois sur les cendres avec un hoquet de fumée.

– Qu’est-ce que c’est, au juste, l’histoire que tu nous as racontée hier, ton histoire de femme ?

– J’ai vu une femme, répétait le misérable, sûr que je l’ai vue. Une vraie femme avec un caraco de poil. Je l’aurais prise aussi bien pour une bête. Elle se mouvait sans plus de bruit.

– Cigarette ? dit le brigadier.

Il la glissa lui-même entre les dents noires, attendit paisiblement que l’autre eût tiré la première bouffée.

– Ne te trouble pas, mon homme. Laisse-toi faire. On ne te demande que des oui et des non, pas vrai, Pietri ?

Le Corse approuva du menton. Mais il aurait bien plus volontiers lancé son poing entre les deux yeux qui roulaient dans leurs orbites avec une lenteur solennelle.

– Reprenons l’histoire dès le début, vieux farceur. T’as rencontré le curé un peu au-delà de Servières, bon. Tu l’as amené jusqu’à l’entrée du bourg. Bon et bon.

Il est descendu au haut de la côte. Ça va. Le chemin mène droit au presbytère, pas moyen de se tromper, ça va encore. Jusqu’ici rien ne cloche, tout est clair.

– Excusez, remarqua le gendarme. Il aurait pu bifurquer sur la droite, face à la rivière, par le raidillon.