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– Monsieur le curé peut compter sur moi, dit-elle, les yeux humides.

Le cri d’un coq – du même sans doute – éclata si brusquement et si fort, qu’il semblait surgir des profondeurs du jardin.

– L’air porte bien le son, remarqua-t-elle, signe de froid.

Le curé de Mégère parut ne pas entendre, absorbé par ses réflexions.

– Croyez-vous, dit-il enfin, que je doive dès demain rendre visite à M. le maire ? Cela serait convenable peut-être ?…

– Dame, ils vous ont tous attendu – et longtemps… La patache n’est arrivée qu’à quatre heures… Et tenez, dimanche au prône, si vous n’y voyez pas d’inconvénient.

– Oh ! dimanche… nous avons cinq jours devant nous, mademoiselle Céleste. J’avouerai même que, sauf la complication de ce maudit retard, mon projet était de prendre quelques jours de repos avant… avant ces démarches officielles. Je les eusse faites en compagnie de M. le chanoine Duperron, mon protecteur auprès de Son Excellence, et que je dois retrouver à Grenoble, jeudi ou vendredi. Mais vous croyez sans doute…

– Monsieur le curé fera ce qu’il voudra, répliqua-t-elle d’un ton piqué. Monsieur le curé est juge. Monsieur le curé devrait d’abord aller s’étendre un peu avant le jour. On ne doit plus être loin de cinq heures.

Le prêtre tira de sa poche un gros oignon d’argent.

– Mais non ! Trois heures et quart seulement, fit-il de sa voix douce. Vous vous trompez, mademoiselle Céleste.

Elle l’accompagna jusqu’à la chambre et, comme il lui tournait le dos, elle eut son même sourire de compassion maternelle. La ceinture du nouveau curé, maladroitement serrée à la taille, s’enroulait à la hanche comme une corde.

– Monsieur le curé voudra bien laisser sa soutane à la porte, dit-elle. Je lui donnerai un petit coup de fer.

Mais ce coup de fer ne fut jamais donné.

Cela commença par un incident presque comique. Elle avait cru entendre battre le volet de la cuisine et, au plus creux de son sommeil, luttait contre le souvenir encore trop