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LA VILLE AUX ILLUSIONS

Il n’acheva pas. D’un direct foudroyant, Jean venait de l’atteindre à la pointe du menton. Muchet s’écroula à la renverse, au milieu des papiers d’emballage.

— Flûte ! je l’ai mis knock-out ! songea-t-il, ennuyé. Ça, alors, c’est sa faute, aussi, à cet idiot ! En attendant, le voilà dans les pommes… Et il est l’heure de partir !

Il s’agenouilla près de lui et s’ingénia à le faire revenir. Mais c’était à croire que Muchet y mettait de la mauvaise volonté : il restait obstinément immobile.

Pour comble de malchance, voici que soudain Jean entendit un pas dans l’escalier et le chef de la manutention parut.

— Eh bien ! fit-il, étonné. Qu’est-ce que vous fabriquez, tous les deux ?

Il aperçut soudain Muchet étendu. Il jeta une exclamation de stupeur.

— Qu’y a-t-il ?

— Monsieur, expliqua Jean, très embarrassé, il est tombé…

— Il est tombé ? Comment ? Il est tombé ?

— Oui, Monsieur.

— Enfin, expliquez-vous, Gardin ! On ne tombe pas ainsi, sans cause ! Que signifie cette histoire !

Juste à ce moment, Muchet ouvrit un œil et sans voir le chef qui se tenait derrière lui, s’assit péniblement sur son séant et grommela :

— Ben, vrai ! Il est rien lourd, ton poing, toi ! J’en ai vu trente-six chandelles !

— Vous vous êtes battus ? interrogea le premier manutentionnaire, d’une voix sèche.

En entendant ces mots, Muchet se trouva complètement ressuscité. Il bondit sur ses pieds, tout penaud.

— Eh bien ! répondez !

Le chauffeur jeta un regard vers Jean.

— Heu !… c’est-à-dire… commença-t-il.

Mais le jeune homme fit un pas en avant d’un air décidé.