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LA VILLE AUX ILLUSIONS

— C’est-y vrai, ce qu’on dit au village ? Tu vas nous quitter pour aller à Paris, bientôt ?

Une lueur de plaisir passa dans les yeux noirs de l’adolescent.

— Oui !

— Alors, comme ça, la ville où tu allais au lycée ne te suffit plus ?

— Avignon, c’est très gentil pour faire ses études, mais ce n’est pas là que je peux les achever comme je le veux.

L’autre se gratta la tête.

— Diable ! Tu as donc bien envie de devenir un monsieur ?

— Pourquoi pas ?

— Moi, figure-toi que je m’étais toujours imaginé que tu continuerais à cultiver la propriété de ton père. Sais-tu qu’il a quelques jolis lopins de terre ?

— Je sais ! fit-il, assez froidement. Mais la culture ne m’attire pas.

— Dommage ! Enfin, mon fi, c’est à toi de voir, hein ? Et quand pars-tu à Paris ?

— En octobre, je pense…

— Aux vendanges, quoi ! fit l’autre en hochant la tête et en considérant les premières feuilles roussies qui tachaient la verdure des arbres. Eh ben ! au revoir… Moi, je vas faire un tour du côté des Mazis… Ah ! vaï ! c’est pas l’ouvrage qui manque pour qui veut remuer ses deux bras !

Le père Bardou rejeta sa pioche sur son épaule et partit du pas balancé et lourd des paysans, le dos un peu courbé, comme ceux qui ont l’habitude de contempler longuement la terre…

Quelques instants plus tard, Jean Cardin sonnait à la petite porte du presbytère. Puis, sans attendre la réponse, en habitué, il poussa le portillon à claire-voie et pénétra dans l’enclos.

C’était bien là le vrai jardin de curé, comme on se l’imaginait. Tout respirait le calme et la sérénité. Des rosiers grimpants s’enroulaient autour du seuil hospitalier ; des salades fraternisaient avec des pieds-