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place pour s’asseoir. Il descendit à la station Saint-Placide, et se dirigea vers son « home ».

Mme Luchoux était justement en train de bavarder avec une voisine sur le trottoir lorsqu’elle l’aperçut. Elle leva les bras au ciel.

— Et alors ? Vous voilà ? Vrai, monsieur Gardin, ça fait plaisir ! Mais vous avez une petite mine de quatre sous, mon pauvre monsieur et vous avez besoin de bon bouillon pour y remettre un peu de rose ! Enfin, tout ça reviendra ! Le principal, c’est d’en être sorti, hein ? Ça doit vous sembler bon ? Ah ! l’hôpital ! je sais ce que c’est : quand j’ai eu ma maladie…

Quand Mme Luchoux était lancée, autant vouloir arrêter un bolide dans sa course inter-planétaire. Jean se résigna à subir le flot.

— Pas de lettres pour moi ? fit-il enfin, lorsqu’il put placer une parole.

— Non, non, m’sieur Gardin… Vous pensez bien que je vous l’aurais fait suivre… Comme celles que vous avez dû recevoir ?

— Oui, oui, merci…

Il grimpa tristement l’escalier. Non, décidément, Arlette n’avait jamais envoyé le plus petit mot pour s’informer de sa santé. Il aurait pu mourir sans qu’elle s’en soit inquiétée… Il comptait donc si peu pour elle ?

Mais il chassa vite ces pensées attristantes. Dans quelques heures, tout serait éclairci. Il était impossible qu’elle n’ait pas pris part à la malchance qui le frappait. Et puis, enfin, revoir son sourire était déjà une joie qui faisait oublier bien des misères et bien des oublis…

Il se changea rapidement de costume, noua une cravate dont il avait reçu des compliments d’elle, autrefois, se donna un dernier coup de peigne et ressortit.

Mme Luchoux, heureusement, était occupée dans son arrière loge pour faire mijoter une délicieuse soupe aux choux dont l’odeur pénétrante embaumait