jouait avec lui comme le chat avec la souris, jetant le malheureux dans les affres d’un supplice aussi cruel que délicieux.
— Jean, disait-elle, est-ce vrai que les hommes préfèrent les blondes ?
— Je ne sais pas… Moi, j’aime mieux les brunes…
— Parce que j’ai les cheveux noirs, apparemment… Mais je vais me faire décolorer.
— Je n’aime pas cela !
— Ça m’est bien égal. Le vicomte des Aubrays m’a dit que toutes les femmes de l’aristocratie le faisaient et que c’était charmant !
— Alors, questionnait-il les dents serrées, vous préférez lui plaire qu’à moi ?
— Je veux plaire à tous les deux, tiens ! ripostait-elle, d’un petit ton insouciant. Je veux plaire à tout le monde !
— Ce n’est pas nécessaire !
— Bah ! c’est votre opinion… Ce n’est pas la mienne…
— Je sais que vous vous préoccupez peu de mon avis !
Enchantée d’être arrivée à ses fins et de l’avoir mis en colère, elle se rapprochait de lui, câline :
— Oh ! Jean ! pouvez-vous dire de si méchantes choses ? Tenez… pour vous prouver que je suis meilleure que vous, je resterai brune…
Et l’innocent était persuadé que c’était pour lui plaire uniquement qu’elle renonçait à son caprice, alors que la coquette ne s’était livrée qu’à son passe-temps favori : l’exaspérer pour avoir le plaisir de se réconcilier.
Ils visitèrent Versailles, s’égarèrent dans les allées qui avaient vu les promenades du Roi-Soleil, goûtèrent dans une pâtisserie. Mais Jean ne souffrait pas que la jeune fille payât. Et le soir, il dut s’avouer qu’il était plus que temps de prendre un parti : il y avait quatre jours qu’il avait reçu sa pension et il lui restait un seul billet de cinquante francs…