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LA VILLE AUX ILLUSIONS

Aussi, appelez-moi Arlette tout court, comme moi, je vous appellerai Jean…

— Je n’oserai jamais…

— Vous êtes un nigaud ! Il faut oser ! Tous mes camarades m’appellent Arlette ! Et moi, je ne m’embarrasse pas non plus de leur donner du « monsieur » long comme le bras…

Elle le regarde dans le blanc des yeux.

— Eh bien ? J’attends ?

— Arlette…

— Ah ! la bonne heure ! Mais ce n’est pas bien dit. Recommencez !

— Arlette !

— C’est déjà mieux ! Dites-moi quelque chose de gentil !

— Arlette, je vous aime !

Ça y est ! Tout effaré de son audace, Jean regarde la jeune fille, afin de savoir ce qu’elle en pense. Elle rit à pleines dents.

— Je ne vous avais pas demandé ça !

— Excusez-moi, mademoiselle… euh… Arlette… Ç’a été plus fort que moi…

— Je n’ai pas à vous excuser ! Ça ne m’a pas froissée du tout !

Un vicomte des Aubrays ne s’arrêterait pas en si beau chemin. Profitant de la situation, il demanderait en échange un aveu pareil, un engagement… Mais, Jean est encore bien naïf. Son audace l’émerveille et l’épouvante ; il sourit et se contente de balbutier :

— J’avais si peur ! Mais, voyez-vous, j’ai parié malgré moi : je pense à vous depuis si longtemps !

Ils goûtèrent à une petite table, en plein air, entourés par d’autres couples qui créaient nue sorte d’atmosphère sentimentale autour d’eux. Quand Jean rentra chez lui, le soir, ivre de joie, d’orgueil, de bonheur, il songea :

— Elle sait ! elle sait ! Quand je la reverrai, nous nous fiancerons…

Un instant, il balança, afin de savoir s’il devait annoncer la grande nouvelle là-bas. Ils allaient en