étiez un gamin mal lavé, c’est vous qui veniez nous apporter au château les fromages que faisait Mme Gardin… Elle les a toujours particulièrement réussis… Je vous vois encore, avec un panier plus gros que vous, la culotte à mi-genoux, et le bec tout barbouillé de prunelles et de mûres…
Ils se mirent à rire, et Jean fit comme eux. Mais, au fond de lui-même, il aurait bien envoyé au diable l’intempestif bavard.
— Il avait bien besoin de raconter tout cela ! pensait-il, furieux. Pour qui va-t-elle me prendre ?
Mais Arlette ne semblait pas avoir entendu, très occupée à verser délicatement le breuvage odorant et brûlant dans les tasses de porcelaine de Chine… Elle en saisit une et l’offrit à Jean.
— Attention, pensa-t-il. Ce ne serait pas le moment de renverser ma tasse !
La catastrophe faillit se produire, car la petite main blanche effleura la main du jeune homme. Il tressaillit.
— Prenez, Monsieur ! dit Arlette, avec son sourire engageant. Un sucre ? Deux sucres ?
— Deux, s’il vous plaît, mademoiselle, répondit-il, distraitement, comme il aurait dit : « Une demi-douzaine… »
Le bavardage et les questions de M. et Mme Fousseret le forcèrent à redescendre sur la terre.
— Il faut revenir très souvent nous voir, dit aimablement la brave dame, lorsqu’il prit congé, à la soirée. Vous voyez ; nous avons passé une journée charmante…
— Si ce jeune homme voulait bien venir nous trouver à déjeuner, un de ces jours ? reprit M. Fousseret, en se tournant vers sa femme, pour quêter une approbation.
— Vraiment, Monsieur… voulut protester Jean.
— Mais si… mais si… reprit Mme Fousseret. Voyons, nous sommes pays, ou presque !
— C’est vrai ! dit le financier en riant. Saviez-vous que ma femme est née en Avignon ? Nous ne sommes