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LA VILLE AUX ILLUSIONS

divers chaque fois qu’on l’invita à aller « se rafraîchir ».

Du coup, les camarades n’insistèrent pas.

— C’est bien ce que je pensais ! dit Georges aux deux autres, d’un petit air entendu. Il n’aime pas beaucoup délier les cordons de sa bourse…

— Pourtant, ajouta Julien, son père doit jouir de beaux revenus et faire à son fils une pension convenable.

— Oh ! mon vieux, tu sais, c’est dans le tempérament ! Ceux-là pourraient être millionnaires : ils entasseraient leur galette et vivraient de pain et d’eau fraîche…

Ce petit fait amena un relâchement dans les relations des jeunes gens. Parmi la jeunesse estudiantine, si prodigue par tradition, l’avarice apparaissait comme une tache, et Jean fut un peu dédaigné.

Quelques jours s’écoulèrent de la sorte. Le jeune homme sentait clairement le léger éloignement qu’on lui témoignait, et sans vouloir en convenir, il en souffrait un peu. Cependant, jamais il n’aurait avoué la vérité, à savoir que son père lui envoyait six cents francs par mois et qu’avec cette maigre somme îl devait pourvoir à son loyer et à sa nourriture…

Ce dimanche-là, il s’était éveillé avec une terrible sensation d’isolement. Georges, Louis et Julien étaient allés avec d’autres amis à Fontainebleau, en excursion. Ils l’avaient invité la veille. Mais Jean, à son grand regret, avait dû refuser… Cette légère dépense était encore trop lourde pour lui et l’état de ses finances lui interdisait de quitter Paris.

Il se demandait ce qu’il allait bien pouvoir faire, lorsque tout à coup, une inspiration lui vint. Il n’était pas encore allé voir les Fousseret, et il y avait presque deux semaines qu’il était dans la capitale ! Il était grand temps qu’il aille leur présenter ses devoirs…

Il se rasa avec soin, fit une toilette plus soignée qu’à l’ordinaire, puis descendit. Il avait écrit sur un petit carnet, avant son départ, l’adresse des châte-