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LA VILLE AUX ILLUSIONS

— Pour gagner de l’argent, sans doute.

Elle eut une moue dédaigneuse.

— Pour un étudiant, vous avez de singulières occupations !

— Je ne suis plus étudiant !

— Tiens ? Vous avez renoncé à vos études ?

— Oui.

— Pourquoi ?

— Voyons, ma chère amie, fit le vicomte, impatienté, laissez cet homme et entrons !

Le rouge de la honte et de la colère monta au front de Jean.

Il répliqua avec sécheresse :

— Monsieur le vicomte a parfaitement raison, Madame. Cette conversation est inutile et ridicule.

— Merci ! Vous êtes poli, vous ! riposta Arlette, sans aménité.

— Ce n’est pas l’endroit pour avoir une explication.

— Pourquoi ne venez-vous plus à la maison ?

— Parce que cela ne me plaît plus !

— Vous êtes vraiment charmant ! Ce n’était pas la peine de vous accueillir comme nous l’avons fait !

— Laissez-le donc, vous dis-je, Arlette ! intervint encore Bernard. Vous voyez bien que s’il est tombé jusque là, c’est parce que son éducation l’y attirait…

— Monsieur le vicomte, riposta vertement l’ancien étudiant, hors de lui et ne pensant plus à la différence sociale qui les séparait, le plus grossier de nous deux n’est pas celui que vous dites !

À peine ces paroles étaient elles prononcées qu’il se mordit la langue. Trop tard !

Ce fut un joli scandale. Blême de fureur, le vicomte se précipita vers la caisse, près de laquelle un monsieur en smoking surveillait discrètement les allées et venues, et lui exposa ses doléances en arrangeant un peu les faits. La suite ne traîna pas. En cinq minutes, Jean fut prié d’avoir dorénavant à rester chez lui. Réglé séance tenante, il reprit le chemin de son logis, l’oreille basse.