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Dans l’ouverture d’Iphigénie en Aulide, Gluck a su les employer encore à tenir seuls la partie grave de l’harmonie, non pour produire cette fois un effet résultant de la spécialité de leur timbre, mais pour accompagner aussi doucement que possible le chant des premiers Violons et rendre plus terrible l’attaque des Basses rentrant au forte après un assez grand nombre de pauses. Sacchini a fait aussi jouer la partie grave aux altos seuls dans l’air d’Œdipe : « Votre cour devient mon azyle » sans se proposer pour but, toutefois, de préparer une explosion. Au contraire, cette instrumentation donne ici à la phrase de chant qu’elle accompagne une fraîcheur et un calme délicieux. Les chants des altos sur les cordes hautes font merveille dans les scènes d’un caractère religieux et antique. Spontini, le premier eut l’idée de leur confier la mélodie en quelques endroits de ses admirables prières de la Vestale. Méhul séduit par la sympathie qui existe entre le son des altos et le caractère rêveur de la poësie Ossianique, voulut s’en servir constamment et à l’exclusion entière des Violons, dans son opéra d’Uthal. Il en résulta, disent les critiques du temps, une insupportable monotonie qui nuisit au succès de l’ouvrage. Ce fut à ce sujet que Grétry s’écria : Je donnerais un louis pour entendre une chanterelle ! Ce timbre, si précieux quand il est bien employé et habilement mis en opposition avec les timbres des Violons et des autres instruments, doit effectivement lasser très vite, il est trop peu varié et trop empreint de tristesse pour qu’il en puisse être autrement. On divise souvent aujourd’hui les altos en premiers et seconds, dans les orchestres comme celui de l’opéra, où ils sont en nombre à peu près suffisant, il n’y a pas d’inconvénient à écrire ainsi ; dans tous les autres où l’on compte à peine quatre ou cinq altos, cette division ne peut que nuire beaucoup à un groupe instrumental déjà si faible en lui-même et que les autres groupes tendent sans cesse à écraser. Il faut dire encore que la plupart des altos dont on se sert aujourd’hui dans nos orchestres français n’ont pas la dimension voulue ; ils n’ont ni la grandeur, ni conséquemment la force de son des véritables Violes, ce sont presque des Violons montés avec des cordes d’altos Les directeurs de musique devraient proscrire absolument l’usage de ces instruments bâtards, dont le peu de sonorité décolore une des parties les plus intéressantes de l’orchestre en lui ôtant beaucoup d’énergie, surtout dans les sons graves.

Quand les Violoncelles chantent, il est quelquefois excellent de les doubler à l’unisson par les Altos. Le son des Violoncelles acquiert alors beaucoup de rondeur et de pureté, sans cesser d’être prédominant. Exemple : le Thème de l’adagio de la Symphonie en Ut mineur de Beethoven.