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L’ORGUE MÉLODIUM
d’Alexandre.


Cet instrument est à clavier, ainsi que l’Orgue à tuyaux. Sa sonorité résulte, comme celle du Concertina, de la vibration d’anches métalliques libres, sur les quelles passe un courant d’air. Ce courant d’air est produit par un soufflet que font agir les pieds de l’exécutant ; et selon la façon dont les pieds agissent sur ce mécanisme de soufflerie, dans certaines conditions où l’on peut placer l’instrument, les sons acquièrent une plus ou moins grande intensité.

L’orgue mélodium possède donc le Crescendo et le Decrescendo, il est expressif. De là le nom de Registre d’Expression donné à un mécanisme spécial qu’il possède. Le doigté du clavier est le même que celui du clavier de l’Orgue. On l’écrit sur deux lignes et même sur trois, comme l’Orgue. Son étendue est de cinq octaves.


\language "italiano"

upper = \relative do' {
\clef treble
\key do \major
\cadenzaOn
s1 s1 do1 do' do' do' \bar "||"
}%upper

lower = \relative do, {
\clef bass
\key do \major
\cadenzaOn
do1 do'^\markup { \hspace #4 \fontsize #-2 chromatiquement } s1 s1 s1 s1 \bar "||"
}%lower

\score {
\new PianoStaff <<
\set PianoStaff.instrumentName = \markup  #"La voici : "
\new Staff = upper { \upper }
\new Staff = lower { \lower }
>>
\layout{
  indent = 12\mm
  \override Score.BarNumber #'break-visibility = #'#(#f #f #f)
} %layout
} %score
\header { tagline = ##f}

Cette étendue néanmoins ne se borne pas là pour les mélodiums à plus d’un jeu. Le nombre des jeux est très variable.

Le mélodium le plus simple, celui à un seul jeu dont nous venons de donner l’étendue, contient deux timbres différents, le timbre du Cor anglais pour la moitié gauche du clavier et celui de la Flûte pour la moitié droite. Les autres, selon la volonté du fabricant, peuvent avoir, par diverses combinaisons, les jeux de Basson, de Clairon, de Flûte, de Clarinette, de Fifre, de Hautbois, ainsi nommés à cause de l’analogie qui existe alors entre le timbre du mélodium et celui de ces instruments, et de plus le Grand jeu, le Forte et l’Expression. Ces jeux donnent au mélodium une étendue de sept octaves, bien que son clavier n’en ait que cinq.

Ils sont mis à la disposition de l’exécutant par le moyen d’un mécanisme semblable à celui de l’orgue, placé de chaque côté de la caisse de l’instrument et qu’on fait mouvoir en tirant à soi une tige de bois avec l’une ou l’autre main. Quelques autres jeux sont obtenus par un mécanisme analogue placé au dessous de la caisse et qui se meut sous la pression de gauche à droite et de droite à gauche exercée par les genoux de l’exécutant. Ces mécanismes constituent ce qu’on appelle les Registres.

Le mélodium ne possède pas les jeux de mutation de l’orgue, dont l’effet excite chez beaucoup de gens une admiration traditionnelle, mais qui en réalité ont une horrible tendance charivarique ; il y a seulement des jeux d’octaves simples et doubles au moyen des quels chaque touche fait parler, avec sa note, l’octave et la double octave de cette note, ou la double octave sans la simple ou même l’octave supérieure et l’octave inférieure de cette note en même temps.

Beaucoup d’exécutants ignorants et amis du bruit font un déplorable usage de ce jeu d’octaves. Il en résulte encore une barbarie, moindre, il est vrai, que celle des jeux de mutation de l’orgue qui donnent à chaque note la résonnance simultanée des deux autres notes de l’accord parfait majeur, c’est-à-dire de sa tierce majeure et de sa quinte ; barbarie réelle cependant, puisque, sans parler de l’empâtement harmonique qu’elle produit, elle introduit nécessairement dans l’harmonie le plus affreux désordre par le renversement forcé des accords ; puisque les neuvièmes produisent ainsi des secondes et des septièmes, les secondes des septièmes et des neuvièmes, les quintes des quartes, les quartes des quintes, etc, et que pour rester dans de véritables conditions musicales avec de pareils jeux, il faudrait s’en servir seulement dans des morceaux écrits en contrepoint renversable à l’octave, ce qu’on ne fait pas.

C’est à l’ignorance du moyen âge cherchant à tâtons les lois de l’harmonie, qu’il faut attribuer, sans doute, l’introduction dans les orgues de ces monstruosités que la routine nous a conservées et transmises, et qui disparaîtront peu à peu, il faut l’espérer.

Les sons du Mélodium étant d’une émission un peu lente, comme les sons de l’orgue à tuyaux, le rendent plus propre au style lié qu’à tout autre, fort convenable au genre religieux, aux mélodies douces tendres et d’un mouvement lent.

Les morceaux d’une allure sautillante, d’un caractère ou violent ou pétulant, exécutés sur le mélodium attesteront toujours, selon moi, le mauvais goût de l’exécutant, ou l’ignorance du compositeur, ou l’ignorance et le mauvais gout à la fois de l’un et de l’autre.

Donner aux sons du mélodium un caractère rêveur et religieux, les rendre susceptibles de toutes les inflexions de la voix humaine et de la plupart des instruments, tel est le but que Mr Alexandre s’est proposé et qu’il a atteint.