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LE CONCERTINA

Est un petit instrument à lames de cuivre mises en vibrations par un courant d’air. L’acordéon qui pendant quelques années fut un jouet musical a été le point de départ du concertina et par suite celui du mélodium. Le son du Concertina est à la fois mordant et doux, malgré sa faiblesse il porte assez loin ; il se marie aisément avec le timbre de la Harpe et avec celui du Piano, à plus forte raison s’unirait-il avec le son du mélodium qui se trouve aujourd’hui le chef de sa famille, mais il y aurait peu d’avantage à réaliser une semblable association, puisque le mélodium a un timbre analogue à celui du concertina, produit les mêmes effets, plus un grand nombre d’autres que le concertina ne possède pas.

Le concertina, est une espèce de petite boite élastique qu’on tient horizontalement entre les deux mains, on le joue au moyen de boutons qu’on presse avec l’extrémité des doigts, et qui, soulevant une soupape, font passer sur des lames, ou anches de cuivre, la colonne d’air fournie par un soufflet placé entre les deux côtés de la boite ; côtés formés par deux tablettes qui portent au dehors le clavier de boutons et à l’intérieur les lames vibrantes. Le soufflet n’ayant pas de soupape ne peut s’emplir ou se vider que par le jeu des soupapes d’anches, qui aspirent et expirent à tour de rôle l’air nécessaire à la vibration des anches.

Le concertina a sa petite famille complète, indépendamment de sa parenté avec le Mélodium. Il y a le Concertina Basse, l’Alto et le Soprano. Le Concertina Basse a l’étendue du Violoncelle, l’Alto celle de l’Alto, le Soprano celle du Violon. Le Concertina Soprano est à peu près le seul employé. Nous donnerons tout à l’heure l’étendue de ce Concertina, que la popularité qu’il a acquise en Angleterre a fait appeler Concertina Anglais.

On remarque dans ces deux gammes chromatiques, dont l’une représente les notes de la tablette gauche et l’autre celles de la tablette droite, que le facteur du Concertina anglais, a établi, dans les trois premières octaves, des intervalles Enharmoniques entre le La bémol et le Sol dièze et entre le Mi bémol et le Ré dieze, donnant un peu plus d’élévation au La bémol qu’au Sol dièze, et au Mi bémol qu’au Ré dièze, et se conformant ainsi à la doctrine des acousticiens, doctrine, entièrement contraire à la pratique des musiciens. C’est là une étrange anomalie.

Il est bien évident que le Concertina étant un instrument à sons fixes comme le Piano, l’Orgue et le Mélodium, devait comme ces instruments être accordé d’après la loi du tempéramment. Dans l’état où il est en effet, ses notes Enharmoniques ne lui permettent pas de jouer avec un Piano, avec un Orgue, ou un Mélodium, sans produire des discordances quand la phrase musicale ou l’harmonie amèneront des unissons entre les La bémols ou les Sol dièzes, les Mi bémols ou les Ré dièzes enharmoniques du Concertina et ces mêmes notes tempérées de l’autre instrument ; puisque le La bémol et le Sol dièze aussi bien que le Mi bémol et le Ré dièze, sont identiques sur les instruments à accord tempéré, qu’ils ne le sont pas sur le Concertina, et que ni l’un ni l’autre des sons Enharmoniques, La bémol Sol dièze du Concertina, ne sera à l’unisson juste du La bémol ou du Sol dièze de l’instrument tempéré qui tient le milieu entre les deux sons du Concertina.

En outre l’effet de cette disposition d’une partie de la gamme sera bien plus affreux encore, si le Concertina joue un Duo avec un instrument à sons mobiles, tel que le Violon, la pratique musicale, le sens musical, l’oreille enfin de tous les peuples chez qui la musique moderne est cultivée, établissant que, dans certains cas, les notes dites sensibles obéissant plus ou moins à l’attraction de tonique supérieure et les notes septièmes ou neuvièmes mineures, obéissant à l’attraction de la note inférieure sur la quelle elles font leur résolution, la première, la note sensible, peut devenir un peu plus haute qu’elle ne serait dans la gamme tempérée et la seconde un peu plus basse.

Exemple.

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Le Sol dièze trop bas du Concertina ne pourrait donc s’accorder avec le Sol dièze trop haut du Violon, ni le La bémol trop haut de l’un avec le La bémol trop bas de l’autre, chacun des exécutans obéissant à deux lois diamétralement opposées, la loi du calcul des vibrations et la loi musicale, si le Violoniste, cédant à la nécessité d’établir l’unisson, ne jouait de manière à se rapprocher du son tel quel de l’instrument à intonations fixes, en conséquence réellement faux. Cela se fait même dans de moindres proportions, et sans blesser l’oreille à l’insu des Violonistes, quand ceux ci jouent avec le Piano et les autres instruments tempérés. Mais le procédé bizarre, qui pourrait concilier le système du Concertina anglais avec le système des sensibles ascendantes et des septièmes descendantes de la musique, consisterait à prendre le contrepied de l’opinion des acousticiens sur les Enharmoniques, en employant le La bémol à la place du Sol dièze et réciproquement. Le violon exécutant alors ce passage

musicalement :

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