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LE TAMBOUR BASQUE.

Cet instrument favori des paysans Italiens, et qui préside à toutes leurs joies, est d’un excellent effet employé par masses, pour frapper, comme les Cymbales et avec elles, un Rhythme dans une scène de danse orgique. On ne l’écrit guère seul dans l’orchestre que dans le cas où, motivé par le sujet du morceau, il se rattache à la peinture des mœurs des peuples qui s’en servent habituellement : Les Bohémiens vagabonds, les Basques, les Italiens de Rome, des Abbruzes et de la Calabre. Il produit trois sortes de bruits fort différentes : quand on le frappe tout simplement avec la main, son retentissement n’a pas beaucoup de valeur, et (à moins de l’employer par masses) le tambour basque ainsi frappé ne se distingue que s’il est laissé presque à découvert par les autres instruments ; — si on attaque la peau en la frôlant du bout des doigts, il en résulte un roulement où domine le bruit des grelots attachés à sa

circonférence et qu’on écrit ainsi

\language "italiano"

\relative do'' {
\clef treble 
\override Staff.TimeSignature #'stencil = ##f
\override Rest #'style = #'classical
la2:16 la4 r4 \bar "||"
}

\header { tagline = ##f}
\paper {
  indent = 0
  line-width = #120
}
mais ce roulement doit


être fort court parce que le doigt qui frôle la peau de l’instrument, atteint bien vite, en avançant, la circonférence qui met un terme a son action. |}

Un roulement comme celui-ci par exemple, serait impossible :


\language "italiano"

\relative do'' {
\clef treble 
%\override Staff.TimeSignature #'stencil = ##f
\time 2/4
\override Rest #'style = #'classical
\repeat unfold 4 {la2:16} la8 r8 r4 \bar "||"
}

\header { tagline = ##f}
\paper {
  indent = 0
  line-width = #120
}

En frottant, au contraire, la peau, sans la quitter, avec le plein du pouce, l’instrument rend un ronflement sauvage, assez laid et grotesque, dont il n’est pas absolument impossible, dans quelques scènes de mascarade, de tirer parti.

LE TAMBOUR.

Les Tambours proprement dits, appelés aussi Caisses claires, sont rarement bien placés ailleurs que dans les grands orchestres d’instruments à vent. Leur effet est d’autant meilleur et s’ennoblit d’autant plus qu’ils sont en plus grand nombre, un seul tambour, surtout quand il figure au milieu d’un orchestre ordinaire, m’a toujours paru mesquin et vulgaire. Disons cependant que M. Meyerbeer a su tirer une sonorité particulière et terrible de l’association d’un tambour avec les timbales pour le fameux roulement en crescendo de la bénédiction des poignards, dans les Huguenots. Mais huit, dix et douze tambours et plus, exécutant dans une marche militaire des accompagnements rhythmés ou des crescendo en roulements, peuvent être pour les instruments à vent de magnifiques et puissants auxiliaire. De simples rhythmes sans mélodie, ni harmonie, ni tonalité, ni rien de ce qui constitue réellement la musique, destinés seulement à marquer le pas des soldats, deviennent entraînants, exécutés par une masse de quarante ou cinquante tambours seuls. Et c’est peut être l’occasion de signaler le charme singulier autant que réel qui résulte pour l’oreille de la multiplicité des unissons, où de la reproduction simultanée par un très grand nombre d’instruments de même nature, du bruit quelconque qu’ils produisent. Ainsi, on peut avoir remarqué ceci en assistant aux exercices des soldats d’infanterie : aux commandements de porter et de déposer les armes, la petite crépitation des capucines du fusil et le coup sourd de la crosse tombant sur la terre ne signifient rien d’aucune manière quand un, ou deux, ou trois, ou même dix et vingt hommes les font entendre ; mais que la manœuvre soit exécutée par mille hommes, et aussitôt ces mille unissons d’un bruit insignifiant par lui même donneront un ensemble brillant qui attire et captive involontairement l’attention, qui plait, et dans lequel je trouve même quelques vagues et secrètes harmonies.

On emploie les tambours voilés comme les timbales, mais, au lieu de couvrir la peau d’un morceau de drap, les exécutans se contentent souvent de lâcher les cordes du timbre, ou de passer une courroie entre elles et la peau inférieure, de manière à en empêcher les vibrations. Les tambours prennent alors un son mat et sourd, assez analogue à celui qu’on produirait en voilant la peau supérieure et qui les rend propres seulement aux compositions d’un caractère funèbre ou terrible.

LA CAISSE ROULANTE.

La Caisse roulante n’est qu’un tambour un peu plus long que le précédent, et dont la caisse est en bois au lieu d’être en cuivre. Le son en est sourd et assez semblable à celui des tambours sans timbre ou voilés. Il produit un assez bon effet dans les musiques militaires, et ses roulements obscurs servent de demi-teintes à ceux des tambours. C’est une caisse roulante que Gluck a employée pour frapper les quatre croches continues dont le rhythme est si barbare, dans le chœur des scythes d’Iphigénie en Tauride (Voyez l’exemple N 64)