Le cor est un instrument noble et mélancolique ; l’expression de son timbre et sa sonorité ne sont pas telles cependant qu’il ne puisse figurer dans toute espèce de morceaux. Il se fond aisément dans l’ensemble harmonique ; et le compositeur même le moins habile, peut, à volonté, le mettre en évidence ou lui faire jouer un rôle utile mais inapperçu. Aucun maître à mon avis, n’a su en tirer un parti plus original, plus poétique en même temps et plus complet que Weber. Dans ses trois chefs d’œuvre, Oberon, Euryante et le Freyschuts, il leur fait parler une langue admirable autant que nouvelle, que Méhul et Beethoven seuls semblent avoir comprise avant lui, et dont Meyerbeer, mieux que tout autre, a maintenu la pureté. Le cor est de tous les instruments de l’orchestre, celui que Gluck écrivit le moins bien ; la simple inspection d’un de ses ouvrages suffit pour mettre à nu son peu d’adresse à cet égard : il faut pourtant citer comme un éclair de génie les trois notes de cor imitant la conque de Caron dans l’air d’Alceste « Caron t’appelle ! » ce sont des Ut du médium, donnés à l’unisson par deux cors en Ré ; mais l’auteur ayant imaginé de faire aboucher l’un contre l’autre les pavillons, il en résulte que les deux instruments se servent mutuellement de sourdine et que les sons en s’entrechoquant prennent un accent lointain et un timbre caverneux de l’effet le plus étrange et le plus dramatique.
Je crois pourtant que Gluck eut obtenu à peu près le même résultat avec le La bémol bouché du médium de deux cors en Sol bémol.
Mais peut être, à cette époque, les exécutants n’étaient ils pas assez surs de prendre des intonations pareilles, et l’auteur fit-il bien d’user de ce singulier procédé pour assombrir et éloigner le son le plus ouvert du cor en Ré.
Rossini, dans la chasse du second acte de Guillaume Tell, a eu l’idée de faire exécuter un trait diatonique par quatre cors en Mi Bémol à l’unisson. C’est fort original. Quand on veut ainsi réunir les quatre cors, soit sur un chant soutenu, soit sur une phrase rapide qui nécessite l’emploi des sons bouchés et des sons ouverts, il vaut incomparablement mieux (à moins d’une idée basée sur la différence même et l’inégalité de ces sons) les mettre dans des tons différents ; les notes ouvertes des uns, compensant ainsi le peu de sonorité des notes bouchées qui leur correspondent chez les autres, rétablissent l’équilibre, et donnent à la gamme entière des quatre cors unis une sorte d’homogénéité. Ainsi, pendant que le cor en Ut donne le Mi bémol (bouché), si le cor en Mi bémol donne l’Ut (ouvert) le cor en Fa le Si bémol (ouvert), et un cor en Si bémol bas le Fa (bouché), il résulte de ces quatre timbres différents un quadruple Mi bémol d’une fort belle sonorité ; et l’on comprend qu’il en soit à peu près de même pour les autres notes.