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sous tous les rapports, il fallait l’autorisation du surintendant des Beaux-Arts, M. Sosthènes de Larochefoucault, et de plus l’assentiment de Cherubini.

M. de Larochefoucault accorda sans difficulté la demande que je lui avais adressée à ce sujet. Cherubini, au contraire, au simple énoncé de mon projet, entra en fureur.

— Vous voulez donner un concert ? me dit-il, avec sa grâce ordinaire.

— Oui, monsieur.

— Il faut la permission du surintendant des Beaux-Arts pour cela.

— Je l’ai obtenue.

— M. de Larossefoucault y consent ?

— Oui, monsieur.

— Mais, mais, mais zé n’y consens pas, moi ; é é-é-zé m’oppose à ce qu’on vous prête la salle.

— Vous n’avez pourtant, monsieur, aucun motif pour me la faire refuser, puisque le Conservatoire n’en dispose pas en ce moment, et que pendant quinze jours elle va être entièrement libre.

— Mais qué zé vous dis que zé né veux pas que vous donniez ce concert. Tout le monde est à la campagne, et vous né ferez pas de recette.

— Je ne compte pas y gagner. Ce concert n’a pour but que de me faire connaître.

— Il n’y a pas de nécessité qu’on vous connaisse ? D’ailleurs pour les frais il faut de l’arzent ! Vous en avez donc ?...

— Oui, monsieur.

— A... a... ah !... Et que, qué, qué voulez-vous faire entendre dans ce concert ?

— Deux ouvertures, des fragments d’un opéra, ma cantate de la Mort d’Orphée...

— Cette cantate du concours qué zé né veux pas ! elle est mauvaise, elle... elle... elle né peut pas s’exécuter.

— Vous l’avez jugée telle, monsieur, mais je suis bien aise de la juger à mon tour... Si un mauvais pianiste n’a pas pu l’accompagner, cela ne prouve point qu’elle soit inexécutable pour un bon orchestre.

— C’est une insulte alors, qué... qué... qué vous voulez faire à l’Académie ?

— C’est une simple expérience, monsieur. Si, comme il est probable, l’Académie a eu raison de déclarer ma partition inexécutable, il est clair qu’on ne l’exécutera pas. Si, au contraire, elle s’est trompée, on dira que j’ai profité de ses avis et que depuis le concours j’ai corrigé l’ouvrage.

— Vous né pouvez donner votre concert qu’un dimansse.

— Je le donnerai un dimanche.

— Mais les employés de la salle, les contrôleurs, les ouvreuses qui sont tous attassés