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très-rarement Aspasie[1], celle que les nobles natures et les amis du grand art adorent, s’appelle Juliette, Desdémone, Cordelia, Ophélia, Imogène, Virgilia, Miranda, Didon, Cassandre, Alceste, noms sublimes qui éveillent des idées de poétique amour, de pudeur et de dévouement, quand les premiers ne rappellent qu’un bas sensualisme et la prostitution.

J’avoue avoir, moi aussi, ressenti à l’audition des Troyens des impressions violentes de certains morceaux bien exécutés. L’air d’Énée : «Ah ! quand viendra l’instant des suprêmes adieux» et surtout le monologue de Didon :

«Je vais mourir, Dans ma douleur immense submergée.»

me bouleversaient. Madame Charton disait grandement et d’une façon si dramatique le passage :

«Énée, Énée ! Oh ! mon âme te suit !»

et ses cris de désespoir, sans paroles, en se frappant la poitrine et s’arrachant les cheveux, comme l’indique Virgile :

«Terque quaterque manu pectus percussa decorum, Flaventesque abscissa comas.»

Il est singulier qu’aucun des critiques aboyants ne m’ait reproché d’avoir osé écrire cet effet vocal ; il est pourtant, je le crois, digne de leur colère. Dans tout ce que j’ai produit de musique douloureusement passionnée, je ne connais de comparable à ces accents de Didon, dans cette scène et dans l’air suivant, que ceux de Cassandre dans quelques parties de la Prise de Troie qu’on n’a encore représentée nulle part..... Ô ma noble Cassandre, mon héroïque vierge, il faut donc me résigner, je ne t’entendrai jamais !..... et je suis comme le jeune Chorèbe.

......Insano Cassandræ incensus amore.

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On a supprimé dans les Troyens à Carthage, au Théâtre-Lyrique, tant pendant les études qu’après la première représentation, les morceaux suivants :

  1. Aspasie avait trop d’esprit.