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Mendelssohn ; vous avez encore chargé ce maître d’écrire la musique de la ravissante fantaisie de Shakespeare : le Songe d’une nuit d’été, etc., etc. De plus, l’intérêt direct que vous prenez à toutes les nobles tentatives de l’art, devient un excitant pour l’activité des producteurs, un encouragement incessant pour leurs travaux ; et ce point d’appui que Votre Majesté offre ainsi aux efforts des artistes a d’autant plus de prix qu’il est le seul de cette nature qu’ils aient en Europe.

— Allons, c’est peut-être vrai ce que vous dites là ; mais il n’en faut pas tant parler.»

Certes, cela était vrai. Il n’en est plus de même aujourd’hui ; le roi de Prusse n’est plus le seul souverain de l’Europe qui s’intéresse à la musique. Il y en a deux autres encore : le jeune roi de Hanovre, et le grand-duc de Weimar. En tout, trois.


LVII


Paris. — Je fais nommer à la direction de l’Opéra MM. Roqueplan et Duponchel. — Leur reconnaissance. — La Nonne sanglante. — Je pars pour Londres. — Jullien, directeur de Drury-Lane. — Scribe. — Il faut que le prêtre vive de l’autel.


À mon retour en France, je me hâtai d’aller passer quelques jours dans ma famille, dont j’étais éloigné depuis si longtemps, et présenter à mon père son petit-fils qu’il ne connaissait pas encore. Pauvre Louis ! quel bonheur pour lui d’être ainsi tendrement accueilli par tous ses grands parents, par nos vieux domestiques, de courir les champs avec moi, un petit fusil à la main ! Il m’en parlait avant-hier dans une lettre datée des îles Aland, et appelait ces quinze jours passés à la Côte-Saint-André les plus heureux de sa vie... Et le voilà marin, sur un navire de la flotte anglo-française, qui bloque les ports russes dans la Baltique, et toujours à la veille d’une bataille navale, cet enfer sur l’eau. Cette idée me bouleverse le cœur et la tête... heureux les gens qui n’aiment rien... C’est lui qui a choisi cette carrière. Pouvais-je m’y opposer ?... Car c’est une noble et belle carrière après tout. D’ailleurs on ne prévoyait pas alors la