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Il devrait donc y avoir dans les conservatoires une classe d’instruments à percussion, où de très-bons musiciens apprendraient à fond l’usage des timbales, du tambour de basque et du tambour militaire. L’habitude aujourd’hui intolérable, et que Beethoven et quelques autres ont déjà abandonnée, de traiter avec négligence ou d’une façon grossière autant qu’inintelligente les instruments à percussion, a sans doute contribué à maintenir si longtemps une opinion qui leur est défavorable. De ce que les compositeurs ne les avaient employés jusqu’ici qu’à produire des bruits, plus ou moins inutiles ou désagréables, ou à marquer platement les temps forts de la mesure, on en avait conclu qu’ils n’étaient propres qu’à cela, qu’ils n’avaient pas d’autre mission à remplir dans l’orchestre, pas d’autres prétentions à élever, et qu’il n’était nécessaire, par conséquent, ni d’en étudier soigneusement le mécanisme, ni d’être véritablement musicien pour en jouer. Or, il faut maintenant des musiciens très-forts pour exécuter même certaines parties de cymbales ou de grosse caisse dans les compositions modernes. Et ceci m’amène directement à signaler une autre lacune, la plus fâcheuse, peut-être, dans l’enseignement de tous les conservatoires, y compris celui de Paris.

9º Il n’y a pas de classe de rhythme, consacrée à rompre tous les élèves sans exception, chanteurs ou instrumentistes, aux difficultés diverses de la division du temps. De là cette insupportable tendance de la plupart des musiciens français et italiens à marquer les temps forts de la mesure, et à tout ramener à une phraséologie monotone ; de là l’impossibilité où la plupart d’entre eux se trouveraient, d’exécuter avec quelque finesse, des compositions écrites dans le style syncopé, telles, par exemple, que les airs charmants (déclarés bizarres chez nous), populaires en Espagne. Les chanteurs italiens et français sont à mille lieues de pouvoir jouer avec le rhythme, et lorsque l’occasion se présente pour eux de le tenter, ils éprouvent un embarras, ils montrent une maladresse et une lourdeur, qui font résulter de leur tentative un mauvais effet musical au lieu d’un bon. De là leur haine pour tout ce qui n’est pas carré, disent-ils, c’est-à-dire, très-souvent, plat. De là les idées puériles et risibles qu’ils se font de la carrure, et l’étonnement que leur causent toutes les mélodies dont la forme et l’accent différent de l’accent et de la forme invariablement adoptés en France et en Italie. De là cette mollesse des exécutants en général, habitués à être soutenus et guidés par des divisions de temps et une accentuation toujours prévues, comme le sont les enfants qui ne savent pas encore marcher, par les supports de leur petit chariot à quatre roues. Les symphonies de Beethoven ont violemment arraché un grand nombre de nos instrumentistes parisiens à ces puériles habitudes, en leur donnant en outre du goût pour les rhythmes piquants et originaux. Mais rien de pareil n’ayant été essayé pour interrompre le sommeil des chanteurs, faire circuler le sang dans leurs veines, les accoutumer à l’attention, à l’adresse et à