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la palme. Le premier hautbois joue du cor anglais, mais son instrument est très-faux.

Il n’y a pas d’ophicléïde ; on peut tirer bon parti des bass-tubas de la bande militaire. Le timbalier est médiocre ; le musicien chargé de la partie de grosse caisse n’est pas musicien ; le cymbalier n’est pas sûr, et les cymbales sont brisées au point qu’il ne reste plus que le tiers de chacune.

Il y a une harpe assez bien jouée par une dame des chœurs. Ce n’est pas une virtuose, mais elle possède son instrument, et forme, avec les harpistes de Stuttgard, de Berlin et de Hambourg, les seules exceptions que j’aie rencontrées en Allemagne, où les harpistes, en général, ne savent pas jouer de la harpe. Malheureusement elle est très-timide et assez faible musicienne ; mais quand on lui donne quelques jours pour étudier sa partie, on peut se fier à son exactitude. Elle fait supérieurement les sons harmoniques ; sa harpe est à double mouvement et fort bonne.

Le chœur est peu nombreux ; c’est un petit groupe d’une quarantaine de voix, qui a de la valeur cependant tout cela chante juste ; les ténors sont en outre précieux par la qualité de leur timbre. La troupe chantante est plus que médiocre ; à l’exception de la basse, Steinmüller, excellent musicien, doué d’une belle voix qu’il conduit habilement en la forçant un peu parfois, je n’ai rien entendu qui me parût digne d’être cité.

Nous ne pûmes faire que deux répétitions ; encore on trouva cela extraordinaire et quelques-uns des membres de la chapelle en murmurèrent hautement. C’est la seule fois que ce désagrément me soit arrivé en Allemagne, où les artistes m’ont constamment accueilli en frère, sans jamais plaindre le temps ni la peine que les études de mes concerts leur demandaient. A. Bohrer se désespérait, il aurait voulu qu’on répétât quatre fois, ou au moins trois ; on ne put l’obtenir. L’exécution fut passable cependant, mais froide et sans puissance. Jugez donc, trois contre-basses ! et, de chaque côté, six violons et demi ! ! ! Le public se montra poli, voilà tout ; je crois qu’il en est encore à se demander ce que diable ce concert a voulu dire. Le docteur Griepenkerl était venu de Brunswick exprès pour y assister : il dut constater entre l’esprit artiste des deux villes une notable différence. Nous nous amusions, lui, quelques militaires brunswickois et moi, à tourmenter ce pauvre Bohrer, en lui racontant la fête musicale qu’on m’avait donnée à Brunswick trois mois auparavant ; ces détails lui fendaient le cœur. M. Griepenkerl me fit alors présent de l’ouvrage qu’il avait écrit à mon sujet, et me demanda en retour le bâton avec lequel je venais de conduire l’exécution du Cinq mai.

Espérons que ces bâtons, ainsi plantés en France et en Allemagne, prendront racine et deviendront des arbres qui me donneront de l’ombre quelque jour...

Le prince royal de Hanovre assista à ce concert : j’eus l’honneur de l’entretenir