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À M. G. OSBORNE


dixième lettre
Hanovre, Darmstadt.


Hélas ! hélas ! mon cher Osborne, voilà que mon voyage touche à sa fin ! Je quitte la Prusse, plein de reconnaissance pour l’accueil que j’y ai reçu, pour la chaleureuse sympathie que m’ont témoignée les artistes, pour l’indulgence des critiques et du public ; mais las, mais brisé, mais accablé de fatigue par cette vie d’une activité exorbitante, par ces continuelles répétitions avec des orchestres toujours nouveaux. Tellement que je renonce pour cette fois à visiter Breslau, Vienne et Munich. Je retourne en France ; et déjà, à une certaine agitation vague, à une sorte de fièvre qui me trouble le sang, à l’inquiétude sans objet dont ma tête et mon cœur se remplissent je sens que me voilà rentré en communication avec le courant électrique de Paris. Paris ! Paris ! comme l’a trop fidèlement dépeint notre grand A. Barbier.

. . . . . . Cette infernale cuve,
Cette fosse de pierre aux immenses contours,
Qu’une eau jaune et terreuse enferme à triples tours ;
C’est un volcan fumeux et toujours en haleine
Qui remue à long flot de la matière humaine.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Là personne ne dort, là toujours le cerveau
Travaille, et, comme l’arc, tend son rude cordeau.

C’est là que notre art tantôt sommeille platement et tantôt bouillonne ; c’est là qu’il est à la fois sublime et médiocre, fier et rampant, mendiant et roi ;