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grand besoin dans cette capitale de quelques élèves de Parish-Alvars. Ce magnifique orchestre, dont les qualités de précision d’ensemble, de force et de délicatesse sont éminentes, est placé sous la direction de Meyerbeer, directeur général de la musique du roi de Prusse. C’est Meyerbeer (je crois que vous le connaissez ! ! !...) : de Hennig (premier maître de chapelle) homme habile, dont le talent est en grande estime auprès des artistes ; et de Taubert (deuxième maître de chapelle) pianiste et compositeur brillant. J’ai entendu (exécuté par lui et les frères Ganz) un trio de piano de sa composition, d’une facture excellente, d’un style neuf et plein de verve. Taubert vient d’écrire et de faire entendre avec succès, les chœurs de la tragédie grecque Médée récemment mise en scène à Berlin.

MM. Ganz et Ries se partagent le titre et les fonctions de maître de concert.

Montons sur la scène maintenant.

Le chœur, au jour des représentations ordinaires, se compose de soixante voix seulement ; mais lorsqu’on exécute les grands opéras en présence du roi, la force du chœur est alors doublée, et soixante autres choristes externes sont adjoints à ceux du théâtre. Toutes ces voix sont excellentes, fraîches, vibrantes. La plupart des choristes, hommes, femmes et enfants, sont musiciens, moins habiles lecteurs cependant que ceux de l’Opéra de Paris, mais beaucoup plus qu’eux exercés à l’art du chant, et plus attentifs et plus soigneux, et mieux payés. C’est le plus beau chœur de théâtre que j’aie encore rencontré. Il a pour directeur Elssler, frère de la célèbre danseuse. Cet intelligent et patient artiste pourrait s’épargner beaucoup de peine et faire plus rapidement avancer les études des chœurs, si au lieu d’exercer les cent vingt voix toutes à la fois dans la même salle, il les divisait préliminairement en trois groupes (les soprani et contralti, les ténors, les basses), étudiant isolément, en même temps, dans trois salles séparées, sous la direction de trois sous-chefs choisis et surveillés par lui. Cette méthode analytique, qu’on ne veut pas absolument admettre dans les théâtres, pour de misérables raisons d’économie et d’habitude routinière, est la seule cependant qui puisse permettre d’étudier à fond chaque partie d’un chœur, et d’en obtenir l’exécution soignée et bien nuancée ; je l’ai dit ailleurs, je ne me lasserai pas de le répéter.

Les chanteurs-acteurs du théâtre de Berlin n’occupent pas dans la hiérarchie des virtuoses, une place aussi élevée que celle où le chœur et l’orchestre sont parvenus, chacun dans sa spécialité, parmi les masses musicales de l’Europe. Cette troupe contient cependant des talents remarquables, parmi lesquels il faut citer :

Mademoiselle Marx, soprano expressif et très-sympathique, dont les cordes extrêmes dans le grave et l’aigu, commencent déjà malheureusement à s’altérer un peu ; Mademoiselle Tutchek,