Page:Berlioz - Mémoires, 1870.djvu/289

Cette page n’a pas encore été corrigée

de violon, exécutée quelques jours auparavant à Leipzig par David, et dans l’alto solo de ma deuxième symphonie (Harold).

Le succès de cette seconde soirée a été supérieur à celui de la première ; les scènes mélancoliques et religieuses d’Harold ont paru réunir de prime-abord toutes les sympathies, et le même bonheur est arrivé aux fragments de Roméo et Juliette (l’adagio et la Fête chez Capulet). Mais ce qui a plus vivement touché le public et les artistes de Dresde, c’est la cantate du Cinq mai, admirablement chantée par Wechter et le chœur, sur une traduction allemande que l’infatigable M. Winkler avait encore eu la bonté d’écrire pour cette occasion. La mémoire de Napoléon est chère aujourd’hui au peuple allemand, presque autant qu’à la France, et c’est sans doute la cause de l’impression profonde constamment produite par ce chant dans toutes les villes où je l’ai ensuite fait entendre. La fin surtout a donné lieu, maintes fois, à de singulières manifestations :

Loin de ce roc nous fuyons en silence,
L’astre du jour abandonne les cieux...

J’ai fait la connaissance, à Dresde, du prodigieux harpiste anglais Parish-Alvars, dont le nom n’a pas encore la popularité qu’il mérite. Il arrivait de Vienne. C’est le Liszt de la harpe ! On ne se figure pas tout ce qu’il est parvenu à produire d’effets gracieux ou énergiques, de traits originaux, de sonorités inouïes, avec son instrument si borné sous certains rapports. Sa fantaisie sur Moïse, dont la forme a été imitée et appliquée au piano avec tant de bonheur par Thalberg, ses variations en sons harmoniques sur le chœur des Naïades d’Obéron, et vingt autres morceaux de la même nature, m’ont causé un ravissement que je renonce à décrire. L’avantage inhérent aux nouvelles harpes, de pouvoir, au moyen du double mouvement des pédales, accorder deux cordes à l’unisson, lui a donné l’idée de combinaisons, qui, à les voir écrites, paraissent absolument inexécutables.

Toute leur difficulté cependant ne consiste que dans l’emploi ingénieux des pédales, produisant ces doubles notes appelées synonymes. Ainsi il fait avec une rapidité foudroyante des traits à quatre parties procédant par sauts de tierces mineures, parce que, au moyen des synonymes, les cordes de sa harpe au lieu de représenter, comme à l’ordinaire, la gamme diatonique d’ut bémol, donnent pour série, dans leur ordre de succession descendante : ut bécarre ut bécarre, la bécarre, sol bémol sol bémol, mi bémol mi bémol. image pas disponible image pas disponible image pas disponible

Parish-Alvars a formé quelques bons élèves pendant son séjour à Vienne. Il vient de se faire entendre à Dresde, à Leipzig, à Berlin, et dans beaucoup