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dans toutes les villes allemandes du second ordre ; il en est de même de sa disposition, qui est celle-ci : Les violons, altos et violoncelles réunis, occupent le côté droit de l’orchestre ; les contre-basses sont placées en ligne droite, dans le milieu, tout contre la rampe ; les flûtes, hautbois, clarinettes, bassons, cors et trompettes, forment au côté gauche, le groupe rival des instruments à archets ; les timbales et les trombones sont relégués seuls à l’extrémité du côté droit. N’ayant pas pu mettre cet orchestre à la rude épreuve des études symphoniques, je ne puis rien dire de sa rapidité de conception, de ses aptitudes au style accidenté, humoristique, de sa solidité rhythmique, etc., etc., mais Guhr m’a assuré qu’il était également bon au concert et au théâtre. Je dois le croire, Guhr n’étant pas de ces pères disposés à trop admirer leurs enfants. Les violons appartiennent à une excellente école ; les basses ont beaucoup de son ; je ne connais pas la valeur des altos, leur rôle étant assez obscur dans les opéras que j’ai vu représenter à Francfort. Les instruments à vent sont exquis dans l’ensemble ; je reprocherai seulement aux cors le défaut, très-commun en Allemagne, de faire souvent cuivrer le son en forçant surtout les notes hautes. Ce mode d’émission du son dénature le timbre du cor ; il peut dans certaines occasions, il est vrai, être d’un bon effet, mais il ne saurait, je pense, être adopté méthodiquement dans l’école de l’instrument.

À la fin de cette excellente représentation de Fidelio, dix ou douze auditeurs daignèrent, en s’en allant, accorder quelques applaudissements... et ce fut tout. J’étais indigné d’une telle froideur, et comme quelqu’un cherchait à me persuader que si l’auditoire avait peu applaudi, il n’en admirait et n’en sentait pas moins les beautés de l’œuvre :

« — Non, dit Guhr, ils ne comprennent rien, rien du tout, S. N. T. T. ; il a raison, c’est un public de bourgeois.»

J’avais aperçu, ce soir-là, dans une loge, mon ancien ami Ferdinand Hiller, qui a longtemps habité Paris, où les connaisseurs citent encore souvent sa haute capacité musicale. Nous eûmes bien vite renouvelé connaissance et repris nos allures de camarades. Hiller s’occupe d’un opéra pour le théâtre de Francfort ; il écrivit, il y a deux ans, un oratorio, la Chute de Jérusalem, qu’on a exécuté plusieurs fois avec beaucoup de succès. Il donne fréquemment des concerts, où l’on entend, avec des fragments de cet ouvrage considérable, diverses compositions instrumentales qu’il a produites dans ces derniers temps, et dont on dit le plus grand bien. Malheureusement, quand je suis allé à Francfort, il s’est toujours trouvé que les concerts d’Hiller avaient lieu le lendemain du jour où j’étais obligé de partir, de sorte que je ne puis citer à son sujet que l’opinion d’autrui, ce qui me met tout à fait à l’abri du reproche de camaraderie. À son dernier concert il fit entendre, en fait de nouveautés, une ouverture qui fut chaudement accueillie et plusieurs morceaux pour quatre