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violent, haineux ; l’autre, taciturne et sombre, ne demande que l’inaction, le silence, la solitude et le sommeil. À l’être qui en est possédé tout devient indifférent ; la ruine d’un monde saurait à peine l’émouvoir. Je voudrais alors que la terre fût une bombe remplie de poudre, et j’y mettrais le feu pour m’amuser.

En proie à ce genre de spleen, je dormais un jour dans le bois de lauriers de l’Académie, roulé dans un tas de feuilles mortes, comme un hérisson, quand je me sentis poussé du pied par deux de nos camarades : c’étaient Constant Dufeu, l’architecte, et Dantan aîné, le statuaire, qui venaient me réveiller.

— «Ohé ! père la joie ! veux-tu venir à Naples ? nous y allons.

— Allez au diable ! vous savez bien que je n’ai plus d’argent.

— Mais, jobard que tu es, nous en avons et nous t’en prêterons ! Allons, aide-moi donc, Dantan, et levons-le de là, sans quoi nous n’en tirerons rien. Bon ! te voilà sur pieds !... Secoue-toi un peu maintenant ; va demander à M. Vernet un congé d’un mois, et dès que ta valise sera faite, nous partirons ; c’est convenu.»

Nous partîmes en effet.

À part un scandale assez joli, mais difficile à raconter, par nous causé dans la petite ville de Ciprano... après dîner, je ne me rappelle aucun incident remarquable de ce trajet bourgeoisement fait en voiturin.

Mais Naples !...


XLI


Voyage à Naples. — Le soldat enthousiaste. — Excursion à Nisita. Les lazzaroni. — Ils m’invitent à dîner. — Un coup de fouet. — Le théâtre San-Carlo. — Retour pédestre à Rome, à travers les Abruzzes. — Tivoli. — Encore Virgile.


Naples ! ! ! ciel limpide et pur ! soleil de fêtes ! riche terre !

Tout le monde a décrit, et beaucoup mieux que je ne pourrais le faire, ce merveilleux jardin. Quel voyageur, en effet, n’a été frappé de la splendeur