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de lauriers et de chênes verts élevé sur une terrasse en fait partie, borné d’un côté par les remparts de Rome, et, de l’autre, par le couvent des Ursulines françaises attenant aux terrains de la villa Medici.

En face, on aperçoit au milieu des champs incultes de la villa Borghèse, la triste et désolée maison de campagne qu’habita Raphaël ; et, comme pour assombrir encore ce mélancolique tableau, une ceinture de pins-parasols, en tous temps couverte d’une noire armée de corbeaux, l’encadre à l’horizon.

Telle est, à peu près, la topographie vraiment royale dont la munificence du gouvernement français a doté ses artistes pendant le temps de leur séjour à Rome. Les appartements du directeur y sont d’une somptuosité remarquable ; bien des ambassadeurs seraient heureux d’en posséder de pareils. Les chambres des pensionnaires, à l’exception de deux ou trois, sont, au contraire, petites, incommodes, et surtout excessivement mal meublées. Je parie qu’un maréchal des logis de la caserne Popincourt, à Paris, est mieux partagé, sous ce rapport, que je ne l’étais au palais de l’Accademia di Francia. Dans le jardin sont la plupart des ateliers des peintres et sculpteurs ; les autres sont disséminés dans l’intérieur de la maison et sur un petit balcon élevé, donnant sur le jardin des Ursulines, d’où l’on aperçoit la chaîne de la Sabine, le Monte Cavo et le camp d’Annibal. De plus une bibliothèque, totalement dépourvue d’ouvrages nouveaux, mais assez bien fournie en livres classiques, est ouverte jusqu’à trois heures aux élèves laborieux, et présente au désœuvrement de ceux qui ne le sont pas une ressource contre l’ennui. Car il faut dire que la liberté dont ils jouissent est à peu près illimitée. Les pensionnaires sont bien tenus d’envoyer tous les ans à l’Académie de Paris, un tableau, un dessin, une médaille ou une partition, mais, ce travail une fois fait, ils peuvent employer leur temps comme bon leur semble, où même ne pas l’employer du tout, sans que personne ait rien à y voir. La tâche du directeur se borne à administrer l’établissement et à surveiller l’exécution du règlement qui le régit. Quant à la direction des études, il n’exerce à cet égard aucune influence. Cela se conçoit : les vingt-deux élèves pensionnés, s’occupant de cinq arts, frères, si l’on veut mais différents, il n’est pas possible à un seul homme de les posséder tous, et il serait mal venu de donner son avis sur ceux qui lui sont étrangers.